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25 novembre 2011 5 25 /11 /novembre /2011 17:00

le-heron-de-guernica-220321.jpgDans ce roman en clair-obscur, Antoine Choplin revient sur les événements de 1937 à Guernica, à travers un jeune homme, Basilio, qui peint des hérons. L’auteur isérois poursuit ici une réflexion sur l’image & le réel dans la création à partir du célèbre tableau de Picasso "Guernica". 

 

Il était l'invité de l'émission littéraire Entre Paroles et Musique diffusée sur RCF Isère les 23, 24 et 25 novembre 2011.


Cette émission a été réalisée en public au forum de la FNAC de Grenoble, organisatrice de cette rencontre avec Antoine Choplin. 

 

Voici les liens de cette émission : 

RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 1 RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 1

RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 2 RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 2


 

Le Héron de Guernica
éditions du Rouergue, 2011

 

 

Antoine Choplin a écrit plusieurs romans, notamment,  aux éditions Le Petit Véhicule, La Manifestation en 2001, aux éditions La Fosse aux ours : Radeau (2003), Léger fracas du monde (2005), L'Impasse (2006), Apnées (2009), et aux éditions Le Rouergue : Cour Nord (2010) et Le Héron de Guernica (2011).

 

 

L'émission littéraire Entre Paroles & Musique est réalisée par Vanessa Curton et diffusée tous les mercredis à 18h30, tous les jeudis à 11h30 et tous les vendredis à 19h30 sur RCF Isère _ fréquences : 103.7 FM (Grenoble et agglomération) et 106.8 FM (Isère : La Côte-Saint-André, Chambaran, Bièvre). 
www.rcf.fr 

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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 16:04

pamplemousse2.jpgEn plein mois d’août à Tel-Aviv, Max, 31 ans, tête en l’air, irresponsable, léger et quelque peu opportuniste se retrouve sans logement et sans emploi. 

Cette situation le propulse dans une série rocambolesque de déconvenues, pris en plein bombardements dans un supermarché avec un couple de français hystériques, dans une villa chic en compagnie d’une jeune femme aux courbes felliniennes, à garder une jeune chienne suicidaire, face à un type venu à Tel-Aviv par « sionisme sexuel » ou sur une plage, les yeux écarquillés, devant un homme qui passe l’aspirateur.

Écrit comme une comédie, La Méditation du pamplemousse se lit le rire aux lèvres, illustrant néanmoins la réalité d’une jeunesse qui se cherche.

Ce premier roman de stéphane Belaïsch a été publié chez  Denoël en 2010. Il fait suite à la co-réalisation avec Emmanuel Naccache d’un long métrage, Le Syndrôme de Jérusalem, sorti en 2008 et qui a reçu le Prix du public du film israélien de Paris et le Prix du Meilleur film au festival israélien de Sao Paulo. 

Stéphane Belaïsch a précédemment réalisé en 2001 Le Truc, un court métrage avec Elie Semoun. En 2000, il a interprété un One-Man-Show, Non !, mis en scène par Gad Elmaleh. Il a, par ailleurs, écrit pour la série Caméra Café & créé et joué en 2002 une pièce de théâtre, The Wrong man at the wrong place

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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 14:01

Des-vies-d-oiseaux-Veronique-Ovalde-www.vanessa-curton.fr.jpg« L’opacité des êtres m’intéresse beaucoup. » 


En Amérique du Sud, dans le quartier chic d’une ville du bord de mer, Vida et Gustavo s’aperçoivent en rentrant de vacances que des gens se sont introduits chez eux. Si rien n’a été volé, il semblerait que leur lit ait été occupé.

Pour résoudre l’énigme de ce « cambriolage insolite », ils font appel à l’inspecteur Taïbo qui reçoit de nombreuses autres plaintes de cette nature. Vida soupçonne rapidement sa fille, Paloma, qui a fuit la maison avec son amant et dont son père, Gustavo, ne veut plus entendre parler. 
D’une enquête policière, Véronique Ovaldé nous entraine à la rencontre de personnages attachants dont elle déploie, ou sonde, toute la subtilité des relations.
 

 




veroniqueovalde.www.vanessa-curton.fr.jpeg« Des Vies d’oiseaux a la forme d’un polar.
Pourquoi avoir choisi cette forme ?

 Le livre n’a pas totalement la forme d’un polar. Il commence par la situation d’un couple qui appelle un policier pour lui demander de venir les voir parce qu’ils ont été cambriolés. En l’occurrence, ils n’ont pas été réellement cambriolés puisque rien n’a été volé. Mais j’installe cette situation parce qu’au fond, quand on écrit un roman, on installe une sorte de suspens, toutes sortes de suspens, d’ailleurs. Policier mais aussi de « qui sont ces gens dont je parle ? Où sont-ils ? Où vont-ils ? Etc. »
J’installe donc une sorte d’enquête, mais au fond, j’ai moi-même l’impression d’enquêter sur les gens dont je parle dans un roman.

Voulez-vous dire que vous ne connaissiez pas ces personnages avant de commencer l’écriture de votre roman ? Est-ce que vous les avez inventés au cours de l’écriture ?

Je les connaissais très peu avant de commencer. J’en avais une esquisse. On a le flic un peu mélancolique, qui est revenu de tout et qui s’accommode de sa vie modeste. On a la grande bourgeoise, qui vient d’un milieu social assez misérable et qui est, du coup, écartelée entre son milieu social d’origine et celui dans lequel elle navigue maintenant. Et peu à peu au cours de l’écriture du roman, je dirais presque qu’ils se remplissent de substance, ils se remplissent de vie, ils s’enrichissent et ils peuvent, ainsi, déployer leurs vies.

J’ai, d’ailleurs, eu l’impression que ces personnages étaient de plus en plus présents, même pour eux-mêmes, au sein du livre. Comme s’ils se mettaient à exister progressivement les uns pour les autres…

C’est un peu ça… On les croise, on les rencontre, pour moi-même justement, c’est comme une enquête, comme je disais précédemment. J’en connais plus sur eux à la fin du roman qu’au début. Et ça, c’est intéressant. Tout comme quand on rencontre quelqu’un, on en connaît beaucoup plus sur lui au bout d’une année que dans l’instant où on le rencontre. J’aime bien aussi les gens qui n’ont pas l’air d’être ce qu’ils sont. Mes personnages sont donc souvent assez ambigus, ou, on a des archétypes : la grande bourgeoise, le mauvais garçon, le flic… Puis, quand on les connaît un peu, on se rend compte qu’ils sont tout à fait autre chose que ce qu’ils ont l’air d’être. Mais, il faut passer un peu de temps avec eux pour essayer de percer leur secret. L’opacité des êtres m’intéresse beaucoup.

J’aimerais revenir sur le personnage de l’inspecteur Taïbo. Il m’a fait penser à un Colombo…comme s’il y avait une dimension parodique dans ce roman.

Parodique, je ne suis pas sûre. Pour moi, il ne ressemble pas du tout à un Colombo. Chacun voit quelque chose de très différent, d’ailleurs, avec ce personnage-là... C’est amusant parce qu’il n’a pas le côté débonnaire, un peu ringard et gentiment à côté de la plaque que peu avoir un Colombo. Taïbo est beaucoup plus mutique, par exemple… Mais c’est intéressant qu’on puisse mettre dans chacun des personnages notre propre imagerie personnelle.

Je pensais à un Colombo, ou à une certaine parodie, à cause des faits divers de départ : des cambriolages, dans une maison puis dans une bijouterie, où rien n’est volé…
Comment avez-vous eu cette idée ?

Je n’avais pas envie d’une vraie enquête policière, que les gens se fassent tuer au coin de la rue par ces deux jeunes gens…parce que c’est aussi l’histoire de deux jeunes gens qui vivent comme des coucous, qui habitent chez les autres, dans les villas somptueuses de cette ville de bord de mer pendant que les gens sont en vacances. Et cette vie de coucous qui pourrait être à l’orée de la délinquance, je ne voulais pas qu’ils y aillent totalement. Ils ont une amorce d’attitude un peu asociale, mais pas complètement. J’aimais bien cette posture d’équilibriste.

J’aimerais aussi revenir sur la relation mère-fille entre Vida et Paloma. Une relation fusionnelle mais qui s’est distendue…

C’était important, pour moi, de raconter dans ce roman la façon dont les liens peuvent se créer et se distendre. Vida a eu une petite fille, Paloma. Et pendant qu’elle était petite, leur relation était, en effet, ultra fusionnelle, idyllique…comme celle qu’on peut entretenir avec un tout petit enfant, une relation charnelle même comme avec un bébé. On le renifle, on le sent, on le tripote, on est dans quelque chose de très très physique. Et peu à peu, on doit se détacher. Vida le vit comme un certain arrachement, sans doute aussi parce qu’elle n’a pas grand chose d’autre dans sa vie que l’amour qu’elle porte à cet enfant… Or, Paloma doit prendre son envol, s’ébrouer et prendre sa liberté pour se détacher de sa mère qu’elle aime beaucoup…mais c’est très difficile, évidemment, de faire sa vie en ayant une mère comme Vida. Et toutes ces relations-là, leurs subtilités, m’intéressent. Les relations amicales aussi, celles justement de Paloma avec sa jeune amie, cette amitié fusionnelle qu’on peut avoir à l’adolescence.

Puis, vous abordez la question du couple, du mariage, dont vous faîtes un triste portrait à travers Vida et Gustavo…

Ça m’intéresse aussi de voir comment les gens peuvent vivre l’un à côté de l’autre sans plus se connaître, dans une sorte d’indifférence ni totalement hostile ni vraiment amicale…l’agacement qui peut se créer entre deux personnes qui vivent l’une près de l’autre. A un moment, Vida se demande si ce ne serait pas contre-nature de vivre les uns auprès des autres…elle cherche des réponses, Vida.

Pourquoi ce titre Des Vies d’oiseaux ?

Dans ce roman, au fond, ce que je raconte de ces personnages, ce sont leurs petits bouts d’existence, et leur vie. Pourquoi des oiseaux ? Je voyais à la fois toute la légèreté, le tragique des vies d’oiseaux, leur brièveté, évidemment, quelque chose de très volatile et de très important. En ce sens, mes personnages m’apparaissaient comme toutes sortes d’oiseaux : des perruches, des coucous… Et ça m’amusait beaucoup de les regarder, pour certains, prendre leur envol.

Une dernière question. Vous avez expliqué avoir connu vos personnages en même temps que vous les avez écrits. Aujourd’hui, le livre est fini, mais vous en parlez beaucoup puisque la période qui succède à la sortie d’un livre est une période très médiatique. 

Avez-vous l’impression que ces personnages continuent de vivre un peu au fur et à mesure que vous en parlez ?

Oui… Ce n’est pas qu’ils continuent de vivre parce qu’ils continuent de vivre en général pour nous, mais surtout, ils s’étoffent. A la fin de l’écriture d’un roman, on a l’impression d’avoir dit tout ce qu’on avait à dire et de ne plus rien avoir à ajouter. Et d’en parler, on est soi-même obligé de creuser, de faire une espèce d’enquête supplémentaire d’introspection pour voir qui étaient ces personnages. C’est comme si on leur donnait un relief supplémentaire en se repenchant sur eux. » *

 

Des Vies D’oiseaux
de Véronique Ovaldé
Editions de l’Olivier _ 2011

 

24240 106003532775312 105913302784335 42982 2365354 n209273 156821817713540 156819891047066 368530 434274 o* Cet entretien a été réalisé dans le cadre de l'émission littéraire "Entre Paroles et Musique" diffusée sur RCF Isère et à l'occasion de la rencontre du 7 octobre organisée à Lyon par la FNAC entre les auteurs et les élèves de Lycées participant au Goncourt des lycéens 2011. 

 

Véronique Ovaldé est l’auteure de plusieurs romans. Depuis son premier roman en 2000, Le Sommeil des poissons (Seuil), elle a reçu plusieurs récompenses dont le Prix France Culture / Télérama pour Et mon cœur transparent (édition de l’Olivier, 2008), le Prix Renaudot des lycéens 2009, le Prix France Télévision 2009 et le Grand Prix des lectrices de Elle 2010 pour Ce que je sais de Vera Candida (édition de l’Olivier, 2009).

 
Bibliographie :

- 2000 : Le Sommeil des poissons, Seuil

- 2002 : Toutes choses scintillant, L'Ampoule

- 2003 : Les hommes en général me plaisent beaucoupActes Sud

- 2005 : Déloger l’animal, Actes Sud

- 2006 : La Très Petite Zébuline avec Joëlle Jolivet, Actes Sud Junior

- 2008 : Et mon coeur transparent, éditions de l'Olivier

- 2009 : Ce que je sais de Vera Candida, éditions de l'Olivier

- 2009 : La Salle De Bains Du Titanic, recueil de nouvelles hors-commerce, J'ai Lu.

- 2011 : Des Vies d'oiseaux, éditions de l'Olivier

 


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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 14:11

livre-lart-francais-de-la-guerre-alexis-jenni.-www.vanessa-.jpgL’art français de la guerre (Gallimard) est le premier roman ambitieux et magistral du lyonnais Alexis JENNI. Il revient sur un peu plus d’un demi siècle de conflits français et réfléchit sur notre époque, sa violence, son langage, à travers deux personnages qui se rencontrent. En échange d’être aidé à écrire son histoire, Victorien Salagnon (qui a vécu vingt ans de guerre) va apprendre au narrateur (fonctionnaire) l’art de l’encre chinoise.


 

"Alexis JENNIL’Art français de la guerre est votre premier roman et vous propulse parmi les candidats des prix d’automne dont le Prix Goncourt, le Prix Médicis, le Prix Femina ou encore le Prix Renaudot…

 Je ne m’y attendais pas du tout. C’est très extraordinaire. J’ai écrit ce roman sans savoir s’il allait être publié. Je l’espérais, évidemment. Qu’il soit publié était déjà un bonheur colossal. Qu’il soit un peu lu, était un bonheur énorme…alors, être sur des listes de prix…c’est une sorte de conte de fée qui a commencé par une enveloppe à la poste et qui continue…

 Avez-vous mis longtemps avant de trouver un éditeur ?

 Le temps que la Poste transporte mon enveloppe jusque chez Gallimard et le temps qu’ils le lisent. Le premier essai était le bon…

 Comment est né ce livre, L’Art français de la guerre ?

 Progressivement. Je n’avais pas pour projet d’écrire un livre historique, de raconter cinquante ans d’histoire. Ça s’est fait petit à petit, généré par l’écriture et par le désir de faire un roman où il y aurait des péripéties, des épisodes, des aventures, etc. Petit à petit ça s’est mis à grossir. Plusieurs thématiques se sont croisées, et le projet est apparu. Il devait être gros parce qu’il y avait beaucoup à dire, beaucoup de thèmes à mêler. Je ne pensai à aucune stratégie éditoriale, ce qui m’a permis d’écrire le roman dont j’avais envie, en prenant la place qu’il devait prendre et en prenant le temps, aussi, qu’il fallait.

 Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ?

 Environ cinq ans. Ça impressionne toujours quand je dis ça, mais je n’avais rien prévu. On a l’impression qu’il faut cinq ans pour faire ce type de travail, pour se documenter et écrire ensuite. Pour moi, c’était cinq ans de pratique de l’écriture, avec une découverte au fur et à mesure de la documentation. J’ai d’abord écrit et me suis documenté en cours de route.

 Vous balayez un demi siècle de guerres relatives à la France, dans ce récit qui est le fruit d’une rencontre entre un personnage principal, Victorien Salagnon, et un narrateur. Celui-ci est d’ailleurs assez peu satisfait de sa condition de narrateur…

 Oui, c’est un narrateur qui voudrait montrer. C’est un peu paradoxal qu’un roman raconte l’histoire de quelqu’un qui voudrait ne pas être dans un roman mais dans un dessin. Le dessin est important dans cette histoire. Il calme les choses. Le dessin, c’est ce qui se tait. C’est ce qui prend le temps. Or, l’histoire est pleine de violences et de précipitations. Le dessin est une respiration. Et c’est effectivement une rencontre entre deux personnes de générations différentes…

 Qui est Victorien Salagnon, justement ?

 C’est un homme normal, au départ. On le voit, lycéen, dans les années 1940. C’est un adolescent vigoureux qui a des désirs d’aventure et de voyage, comme tout le monde. Simplement, on est en 1943. Il a 17 ans. Pour vivre l’aventure en France à cette période, il faut carrément aller faire la guerre qui ravage le monde. Il se retrouve donc un peu par hasard happé par la guerre. A l’époque la France est plongée dans une guerre interminable dont on a un peu oublié la continuité. C’est un personnage qui au départ est normal et qui va passer vingt ans dans une situation anormale au sein de laquelle il va essayer de maintenir son équilibre intérieur.

 …ce qui passe, en l’occurrence, par la pratique de l’encre chinoise…

 En effet. On raconte la pratique de l’encre, mais c’est aussi une idée narrative, une idée romanesque…pour dire que dans une situation extrêmement violente, où l’on est dans le ping pong, dans la réaction, etc., une pratique silencieuse qui prend le temps est la seule chose qui permette de se sauver. De sauver son âme, son psychisme, son corps… C’est ce qui empêche de réagir trop violemment à l’environnement. Ça le sauve, et c’est ce qu’il va transmettre à la génération suivante, à ce narrateur qui est dans le monde actuel. Il lui transmet cette capacité à vivre en paix.

La structure de ce roman est une alternance entre « Commentaire I, II, III… » et « Roman I, II, III…. ». Pourquoi ce choix formel ?

Ce choix correspond à un problème que je voulais résoudre. Je voulais combiner dans un même roman le passé et le présent…les tensions du présent et les fantômes du passé qui expliquent un peu les tensions du présent. Je voulais à la fois raconter le passé et raconter le présent. Si je les avais entrelacé en permanence, j’aurais perdu le côté aventureux du passé ou le côté étouffant du présent. En séparant les choses, en alternant, j’arrivais à combiner ces deux échelles de temps dans un même roman.

Cette alternance montre que l’on est aujourd’hui encore dans une forme de guerre qui n’est pas nommée, qui est rationalisée. Est-ce ce que vous vouliez illustrer ?

 J’ai mis de ça dans le roman. Mon idée n’est pas une idée d’historien ou de sociologue mais une idée de romancier. J’ai l’impression de vivre dans un monde violent et étouffant qui a du mal à aller vers l’avenir. L’une des composantes de cet étouffement vient d’un passé, d’une histoire que l’on n’arrive pas à raconter. De nombreux réflexes actuels sont directement issus de ce passé violent, compliqué, à moitié caché, à la fois complètement montré et jamais vraiment raconté. C’est finalement un passé qui ne passe pas, et qui intervient dans le présent, qui nous fait agir sans que nous le sachions vraiment. Cette guerre interminable, d’une vingtaine d’années, en 1962, on a fait semblant de l’arrêter. On s’est surtout dit qu’on voulait ne plus jamais rien avoir à faire avec, plus jamais en parler, et considérer qu’on était définitivement en paix. Mais cette espèce de dénie, finalement, ce non traitement du passé, fait que la violence perdure. Ce n’est évidemment pas la seule source de la violence. La source essentielle vient que nous sommes une société inégalitaire qui ne supporte pas l’inégalité, avec une révolte qui couve en permanence et qui prend des formes issues de l’histoire française. C’est une révolte sociale mais qui obéit au génie français, avec cette espèce de re-jeu des colonies, ces re-jeux d’une certaine façon de pratiquer l’art militaire, de vouloir user de la force, etc.

 Vous questionnez aussi la langue, l’identité sociale à travers plusieurs notions, comme celle de la race. Est-ce que réfléchir sur la guerre amène automatiquement à réfléchir sur le langage ?

 Non, c’est de faire un roman qui nécessite d’interroger la langue. La langue est ma passion première, plus que l’histoire ou que les guerres coloniales. Pour moi, le roman est une construction de la langue. C’est vraiment le travail de la langue qui créé le roman. Mais, au-delà de ça, c’est vrai qu’un certain nombre d’expressions, de mots sont difficiles à prononcer. Quand on les dit, on ouvre aussitôt un monde de connotations politiques ou sociales. C’est quelque chose qui me passionne, qui m’intéresse et qui me fait souffrir, aussi, parce qu’un certain nombre de mots semble m’être interdit… Ce roman pose aussi cette réflexion : comment notre passé violent a marqué la langue et comment la langue garde des traces de ce passé. Dans les rues d’Alger, on voit encore des trous de balles sur les murs…les bâtiments gardent les traces de violence comme les mots, la langue, gardent les traces de la violence.

 C’est notre structure, en somme…

Tout à fait…Des mots qui ont été employés à certains moments dans des situations très violentes gardent cet écho-là. On ne peut plus les prononcer innocemment. Ils sont entachés.

 L’Art français de la guerre oscille entre récit romanesque, essai et prose poétique. Est-ce une vision idéale du livre que vous avez voulu proposer par cet entremêlement de trois genres littéraires ?

J’hésitais entre ces trois genres d’écriture. Je voulais, en effet, à la fois faire du romanesque, du poétique et de l’analytique. A force d’hésiter, j’ai fait les trois. C’est important, pour moi, qu’un roman mêle ces trois modes d’écriture qui correspondent à trois façons de voir les choses. C’est aussi trois façons de prendre plaisir à l’écriture et d’avoir du bonheur d’écriture…

Finalement, pourquoi ce titre L’Art français de la guerre ?

 C’est une allusion au traité chinois qui s’appelle L’Art de la guerre dont il est question un petit peu dans ce livre. Je me suis dit « c’est un art français » c’est-à-dire « une façon française de pratiquer l’art de la guerre ». Cette façon qui est d’espérer qu’avec beaucoup de force et beaucoup de bravoure et de panache, on arrive à emporter le morceau. Ça ne fonctionne pas, certes, mais ça nous fait de merveilleuses défaites dont nous sommes fiers et que nous racontons longtemps après. Waterloo est, par exemple, beaucoup plus raconté dans la littérature française qu’Austerlitz… (sourire) " *

 

209273 156821817713540 156819891047066 368530 434274 o24240 106003532775312 105913302784335 42982 2365354 n* Cet entretien a été réalisé dans le cadre de l'émission littéraire "Entre Paroles et Musique" diffusée sur RCF Isère et à l'occasion de la rencontre du 7 octobre 2011 organisée à Lyon par la FNAC entre les auteurs candidats au Prix Goncourt des Lycéens et les lycéens rhône-alpins participants. 


Extrait :

«  Et vous n’utilisez que de l’encre, souffla Salagnon émerveillé.

- A-t-on besoin d’autre chose ? Pour peindre, pour écrire, pour vivre ? L’encre suffit à tout, jeune homme. Et il n’est besoin que d’un pinceau, d’un bâton d’encre pressée que l’on dilue, et d’une pierre creusée pour la contenir. Un peu d’eau aussi. Ce matériel de toute une vie tient dans une poche ; ou si l’on n’en possède pas, dans un sac pendu à l’épaule. On peut marcher sans encombre avec le matériel d’un peintre chinois : c’est l’homme en chemin qui peint. Avec ses pieds, ses jambes, ses épaules, son souffle, avec sa vie entière à chaque pas. L’homme est pinceau, et sa vie en est l’encre. Les traces de ses pas laissent des peintures. »

 

Mercredi 2 novembre : Alexis JENNI reçoit le Prix GONCOURT 2011. 


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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 20:53

Cendors-Adieu.jpg« L’œuvre de beauté est le foyer d’une éternelle incandescence (…) »

Les tentures écarlates festonnées d’or s’ouvrent sur Venise. Un voyageur dont on ignore tout des vingt premières années arrive en ville sous l’œil de trois témoins, Ricorni dit le Savant, Fulvia, la courtisane puis Venise elle-même.

Appelé Inno (comme Innocenzo) l’homme s’installe avec Guido son valet au Palazzo où il organise des fêtes somptueuses. Le prix de l’enchantement est de respecter une règle simple : chaque personne conviée est priée de n’y venir qu’une seule fois. Ravagé par toutes formes de beauté, Inno poursuit à travers ces fêtes et l’épreuve du désir le rêve de rencontrer une femme secrète, vive et talentueuse. Un rêve d’amour mystique, qui s’illustre tout le long du récit par la figure de Psyché.

 « Si la compagnie exclusive d’un rêve isole l’homme de son semblable, il s’ensuit que son rêve exige davantage de compagnie. »

Les jeux de masques se succèdent et quand ils se brisent, l’homme se délivre de leurs pouvoirs. Il peut retourner à la quête d’un amour dépourvu de fantasme et d’idéal, un amour vrai auquel son cœur peut enfin s’ouvrir. Tel un conte poétique et philosophique, Pierre Cendors nous emmène dans un texte d’une élégance rare où la quête d’absolu côtoie le sens du tragique avec splendeur. 

 

Extrait : 

" La véritable solitude, murmura alors Inno, son regard sondant l'obscurité par la croisée, n'est pas de ne plus vivre ses rêves, mais de n'en posséder aucun. (...) il n'est pire solitude que de les vivre tous, sans conserver le mystère d'un seul, à jamais inaccessible. S'il n'est plus une étoile au ciel, comment nous orienterons-nous dans la nuit ?
Souvent, il songeait aussi : Ni honte, ni chaîne, ni soupir - toujours dire adieu à ce qui vient - telle est la foi qui gouverne ma vie. Il préférait se taire à causer ; il riait beaucoup et de tout. Il aimait ceux qui n'avaient rien à dire mais qui le disaient avec humour ou se taisaient avec simplicité."

 

Adieu à ce qui vient - Pierre Cendors
Préface de Christian Garcin 
Éditions Finitude

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 18:36

01070660463.gifEnfance obscure de Pierre Péju 
éditions Gallimard _ collection "Haute enfance"

« L’opacité matinale du monde est aussi la promesse que tant de choses qu’il ignore finiront par prendre formes et couleurs. Avec lenteur. Avec le Temps, l’inépuisable Temps qu’un enfant croit avoir devant lui. »

Dans cet essai, le philosophe et romancier isérois s’intéresse à l’Enfantin. À ne pas confondre avec « souvenirs d’enfance », ce concept que Pierre Péju dessine est aussi fugace qu’un instant de conscience. L’Enfantin est souvent lié à des peurs, des hontes et à des expériences originelles, mais aussi à un Ailleurs, à un Au-delà qui lui octroie une certaine universalité.


Résultant en actes et se révélant dans la création artistique mais aussi littéraire, Pierre Péju nous livre dans cet essai diverses incarnations de l’Enfantin dans la littérature, citant notamment Nathalie Sarraute, Victor Hugo, Franz Kafka, Vladimir Nabokov, Marcel Proust, ou encore l’Enfance berlinoise du philosophe, historien d’art et critique littéraire, Walter Benjamin.

Si l’enfant a longtemps était méprisé par les philosophes, la modernité qui le revalorise (voire le survalorise) a ouvert une nouvelle dimension aux réflexions qui le concernent. Pierre Péju fait ainsi état de cette évolution, évoquant différentes conceptions de l’enfant de Kant à Sartre en passant par Rousseau dont il dit que Les confessions « demeurent comme un monument et comme un repère sur le long chemin de la production moderne de l’Enfantin ».

D’une langue accessible, cet essai puise une force indéniable dans les nombreuses anecdotes et récits de souvenirs de son auteur qui mêle sincérité et poésie à la réflexion philosophique. 


EXTRAIT :

" Si je choisis de faire le récit d'une très lointaine anecdote, c'est pour tenter d'en révéler le "noyau d'enfance". Noyau plus dur, plus secret, mais aussi parfois plus menaçant que ce temps puéril que l'on se croit capable de restituer. Car l'Enfantin n'est jamais séparable d'une menace, de l'expérience originelle d'une peur, d'une honte ou d'un enchantement. De recoins sombres d'où la monstruosité, croit-on, va surgir. Mais aussi de recoins protecteurs et chauds, de cachettes, de territoires où vivent des bêtes. Terreur du vaste extérieur et réconfort primitif procuré par le rougeoiement des flammes.... La peur, dans mon récit, n'est pas uniquement celle de "l'homme assis dans le noir". Le spectre principal - que je le nomme Enfantin ou, pourquoi pas ? "enfantôme" - consiste en une impression très simple d'ombre et de lumière jointe au poids, que je sens encore, certains jours, au bout de mon bras, de la lourde lampe torche dont j'avais tant de mal à faire jaillir le pinceau lumineux. Ma lutte avec les ténèbres était si douloureuse physiquement qu'elle subsiste encore, tant d'années plus tard, dans la mémoire de mes phalanges, la paume de ma main, dans mes nerfs et mes muscles, et, bien sûr, dans la crainte archaïque et confuse, qui ne m'a jamais vraiment quitté, de "ne plus rien y voir"!" 


 Pierre Péju est l’auteur de romans, notamment de La Petite Chartreuse (2002), du Rire de l’ogre (2005) ou de La Diagonale du Vide (2009) parus chez Gallimard, de Marée basse : méditation sur le rivage, sur ce qu’on y trouve et sur le temps sans emploi paru aux éditions Jérôme Million (2009),
d’essais dont La Petite fille dans la forêt des contes (Robert Laffont, 1981 et 1997), L’archipel des contes (Aubier, 1989) ou Lignes de vie, Récit et existence chez les romantiques allemands (José Corti, 2000). 
Pierre Péju écrit également chaque mois la chronique « Question d’enfance » dans la revue Philosophie magazine

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 12:01

Solene--www.vanessa-curton.fr-copie-2.jpeg« Si vous m’entendez, c’est que je serai morte depuis bien longtemps. On aura donc retrouvé nos traces dans les décombres de Poleymieux ; les archéologues auront prélevé parmi nos cendres – si le temps n’a pas tout effacé – les biopuces où sont marquées toutes nos paroles et toutes nos pensées. »


Dans la région lyonnaise après l’exode, une jeune fille singulière écrit le journal de ses pensées qui sont imprégnées par celles de ses proches puisqu’elle a le pouvoir d’aller dans leurs esprits. Elle les observe attentivement avec une grande tendresse.

« Pleine de mots », Solène appartient à une famille de réfugiés avec qui elle vit dans une maison au milieu de lisières où sont installées des protections magnétiques. Sortir de ces lisières, c’est aller entre les ruines et les friches, risquer de se faire mordre par ces tribus de Ravagés, risquer le fléau lié à ces ombres létales qui se propagent « toujours en soirée par beau temps, dés que le soleil se penche vers l’horizon et que la lumière devient grenat. »

 Écrit avec beaucoup de poésie, Solène est un roman lumineux malgré l’univers post-apocalyptique qu’il dépeint et qui pourrait nous évoquer La Route  de Cormac Mac Carthy. La magie des mots et des espoirs écorchés nous amène jusqu’à la dernière ligne de ce livre de François Dominique. 


François Dominique est l'auteur de plusieurs romans et récits, dont Aséroé (POL, 1992), La Musique des morts (Mercure de France, 1996), Parole donnée (Mercure de France, 1999) ou Romulphe (Mercure de France, 2008). Il a également écrit plusieurs recueils de poèmes, notamment Petite Cassandre avec les photographies de Bernard Plossu (éditions du Murmure, 2011). 

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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 15:59

67634066.jpg« Mon corps fait barrage. Il obstrue. Il me rend aveugle. C’est un monument placé entre vous et moi. »


Avec justesse et contrastes, Clara Dupont-Monod dépeint l’univers d’un homme gros et en colère. Nestor se rend tous les matins à l’hôpital où il se sent plus à l’aise qu’ailleurs. Il se reconnaît dans cette confrérie « marquée du sceau de l’infamie » et « résignée à écouter seulement le bruit du dehors. »

Mélina, son épouse, est dans le coma suite à un accident. Et quand Alice, son médecin, vient chez lui annoncer à Nestor que sa femme ne se réveillera plus, il décide de la faire vivre coûte que coûte, quitte à perpétuer, à sa place, ses correspondances. Alice reviendra le voir et dans le tintement de leurs deux solitudes, tel un portrait en petites touches, le lecteur découvre derrière sa rudesse un homme d’une grande sensibilité que l’émotion rattrape.


 Nestor rend les armes
Clara Dupont-Monod
Ed. Sabine Wespieser

 

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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 15:53

 

mia-couto--l-accordeur-de-silence--vanessa-curton.fr.jpg« J’ai un don pour ne pas parler, un talent pour épurer les silences (…) »

 

Dans un désert du Mozambique nommé « Jésusalem », Mwanito, qui est orphelin de mère, prend la parole pour nous raconter l'histoire de ceux qui constituent son « humanité ». Son père, Silvestre Vitalicio qui côtoie d’étranges créatures venues du sol, son frère, Ntunzi, qui rêve de s’enfuir, Zacaria Kalash, leur domestique, l’oncle Aproximado qui cherche à préserver l’isolement coupable de Silvestre, et la tendre ânesse, Jezibella, qui mâche du tabac.

A onze ans, Mwanito n’a encore jamais vu de femme. Celle qui arrive, un jour, a les yeux qui portent une ancienne blessure et la voix migrée dans un corps qui ne lui appartient plus. Marta va faire basculer l’ordre de ce monde clos régis par le père. Dans ce roman, les noms et les symboles effleurent les mystères des hommes et de leurs âmes, par une écriture lumineuse, comme une fable.

L'accordeur de Silences
Mia Couto
Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues
Editions Métaillé

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 15:17

Rendez-vous mercredi 31 aout 18h30 & jeudi 1er septembre à 11h30
sur le 103.7 & le 106.8 FM en Isère
www.rcf.fr 

- Focus sur les éditions Galimatias

MINES-COUV.gifFIEVRE-COUVavec l'auteur Radu Bata qui nous présente cette nouvelle maison d'éditions iséroise et ses deux premières publications :
un polar de Carmen Duca :  
La Fièvre des corps célestes paru dans la collection Galimatias Noir et un livre plus atypique : Mine de petits riens sur un lit à baldaquin écrit par Radu Bata, paru dans la collection Galimatias Gris.
Pour plus d'informations : http://www.editions-galimatias.fr/ 

- La Rentrée littéraire _ partie 1 _ avec les coups de coeur de Louis, libraire à la Fnac de Grenoble 

en question notamment : Les Désolations de David Vann (éditions Gallmeister), Pas d'inquiétude de Brigitte Giraud (éditions Stock), Mont Blanc Fabio Viscogliosi (éditions Stock), Room d'Emma Donoghue (éd. Stock, la Cosmopolite), La Légende des fils de Laurent Seksik (éditions Flammarion), Stoner de John Williams traduit par Anna Gavalda (éditions Le Dilettante) et un premier roman : Galveston de Nic Pizzolatto (éditions Belfond)

 

Voici un petit écho de ce nouvel air requiquant ! 

 

 

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