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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 11:37

images «  Forcer l’oubli ne guérit pas des blessures. »

 

Ce court roman de Fabienne Swiatly s’amorce avec la netteté d’un dépliant publicitaire – et néanmoins parsemé d’ironie – d’un lieu que l’on devine être une maison de retraite où tout est impeccable. Il se poursuit avec l’image un peu floue, tout d’abord, d’une personne âgée qui a la maladie d’Alzheimer et de sa belle-fille, la narratrice. D’origine Bosniaque, celle-ci porte en elle la mémoire encore vive des conflits d’ex-Yougoslavie.

L’écriture avance avec lenteur comme dans les couloirs de cet établissement « du vivre et du mourir » où la narratrice va visiter régulièrement sa belle-mère, parfois avec réticence, agacement, mais toujours avec bienveillance. Ensemble elles regardent des photographies pour l’obliger à rassembler les fragments de sa vie. Leurs liens se resserrent peu à peu, tendrement et presque malgré elles.

L’image tient une place particulière dans ce roman. Comme la langue pour la narratrice dont l'accent porte les traces d’une culture et d’une Histoire. Le silence traverse ces mots et met en exergue cette tension entre ce que l’on voit, ce que l’on nomme et ce qui reste insupportable, notamment quand on ne peut pas oublier. Mais c’est surtout un récit d’acceptation et de réconciliation que l’auteure nous livre, un récit de vie, en somme, très lumineux. 


Unité de vie
De Fabienne Swiatly
Editions La Fosse aux ours
2011

Unité de vie a reçu Le Prix Marguerite Puhl-Demange 2012

 


 

A écouter : 

L'entretien avec Fabienne Swiatly : 


Swiatly_Fabienne.jpgFabienne Swiatly était l'invitée de l'émission Entre Paroles & Musique sur RCF Isère les 22, 23 et 24 février 2012. 

Elle évoque notamment dans cet entretien son rapport à l'écriture, au silence et à la photographie autour de son dernier roman, Unité de Vie, mais aussi un texte poétique sur le thème de l'avortement La Ligne de partage des eaux paru aux éditions La Passe du vent, en mai 2011. 

 

 


Une émission à écouter et à réécouter : 

 

Bande son : 

Fabienne Swiatly, EPMA Fabienne Swiatly, EPMA

Fabienne Swiatly, EPMB Fabienne Swiatly, EPMB

 

& Retrouver Fabienne Swiatly sur remue.net
et son blog : la trace bleue

 


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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 10:02

rougeargile_ollagnier--www.vanessa-curton.fr-copie-1.jpgRouge Argile
de Virginie Ollagnier
éditions Liana Levi, 2011 

 

"Ma-petite-Rosa-l'Allemand-est-mort-cette-nuit-viens-dés-que-tu-peux-je-t'attends-à-Sejâa."

En 1979, à 42 ans, Rosa est femme au foyer en France dans un univers très rangé, où chaque place a sa chose et chaque chose a sa place. Son époux est un haut fonctionnaire souvent distant et ses deux enfants sont grands désormais.  

À l'annonce de la mort d'Egon, un allemand juif qui a été un second père pour elle, Rosa prend l'avion pour le Maroc. À Sejâa, dans la maison de son enfance, elle retrouve Sherifa, sa nourrice, la terrienne, et son fils Medhi. Éprouvant la honte d'un colonialisme qu'elle a l'impression de représenter, Rosa décide de vendre à celui-ci les terres, les arbres de la maison. 

" Sejâa appartenait à une époque où Rosa se sentait la princesse d'un royaume merveilleux, un espace perdu et regretté comme l'enfance, rien de plus". 

Ce retour va permettre aux secrets d'éclorent comme soulevant le couvercle d'une boite de Pandore. Dans l'assiduité de l'Allemand, Rosa va découvrir l'histoire énigmatique de ceux qui l'ont élevée. Le Maroc, avec ses odeurs, ses saveurs et sa pensée magique, va la porter de révélation en révélation vers sa propre vérité, et lui donner le courage de briser ses chaînes. 

 

Rouge Argile est le troisième roman de Virginie Ollagnier. L''auteure lyonnaise a précédemment écrit L'Incertain (en 2008, Liana Levi). Elle a été récompensée par 11 prix littéraires pour son premier roman : Toutes ces vies qu'on abandonne (2007, Liana Levi). 

 


 

L'ENTRETIEN :

 

Virginie Ollagnier était l'invitée de l'émission Entre Paroles & Musique réalisée par Vanessa Curton pour RCF Isère les 11, 12 & 13 janvier derniers. Cet entretien a été réalisé à l'occasion de sa venue à Grenoble, invitée à la bibliothèque Centre Ville de Grenoble en partenariat avec l'association Rives & Dérives. 

 

Voici les liens pour écouter cet entretien très chaleureux :  

Virginie Ollagnier, Rouge Argile, partie 1 Virginie Ollagnier, Rouge Argile, partie 1

Virginie Ollagnier, Rouge Argile, partie 2 Virginie Ollagnier, Rouge Argile, partie 2

 

 



 

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 10:17

Unknown.jpegCyrano, ma vie dans la sienne
Jacques Weber
Stock, nov. 2011

 

Au comptoir d'un bistrot, l’odeur du petit noir se mêle aux senteurs pâtissières d’after-shave. Les volutes du calme matinal s’ouvrent comme un rideau sur un homme seul et sombre, encore imprégné des tourbes blondes d’un whisky vingt ans d’âge.

Une verve éclot à la fois ténue et frontale, grandiloquente et méditative. Elle nous emporte avec elle dans l’espace de son enquête, celle de Jacques Weber qui a soixante ans, et qui décide de faire le point.

Il traverse le temps au chevet d’une mémoire qu’il considère comme « un vrai trou noir », de sa communion solennelle où il a compris que « Cyrano qui croyait plus à la lune qu’au Bon Dieu, n’était plus très loin » de lui, aux planches de Mogador en 1983, à ce soir, le 26 février, où sa voix a vibré
Par ce flottement, le comédien nous emmène sur le tournage du film de Jean-Pierre Rappeneau, ou encore en 2008, lors de sa mise en scène atypique de la tragédie d’Edmond Rostand jouée dans les vingt arrondissements de Paris… Il nous fait vivre ses peurs, cet élan, cette passion de la scène, évoquant jusqu’à cette tension fabuleuse de découvrir l’acteur, le juste, le bon acteur pour interpréter son Cyrano de Bergerac.

En vingt chapitres, Jacques Weber questionne ce rapport au personnage, au corps, au langage, à la folie même et, pudiquement, à l’alcool, dans un style très imagé, poétique et philosophique. Ce qui s’annonce comme une autobiographie est finalement moins celle d’un homme, que celle d’un personnage dans la vie et le corps d’un homme qui est acteur. A moins que ce soit le contraire, comme au théâtre qui serait « un lieu de vérité inversée ». Entre les deux réside, néanmoins, cette part d’indéfinissable qui amalgame une réalité et une fiction sur une scène, et peut-être aussi sous la plume de l’écrivain.

 

209273 156821817713540 156819891047066 368530 434274 oLe 24 janvier 2012, Jacques Weber sera à la FNAC de Grenoble, au rayon librairie, entre 17h et 18h15 pour une rencontre débat et dédicace

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 15:13

arton26593-7f710.jpgD’une fiction radiophonique, Sept vies de Patti Smith* à un roman, Le Corps plein d’un rêve. 

Claudine GALEA trace le portrait d’une adolescente devenue écrivaine en miroir à celui d’une rock star. Leurs voix s'entremêlent, se font écho, se répondent et nous emmènent jusque là où l’écriture prend corps, là où loge cet élan de vie et de liberté…cette singularité prompte à la création d’une œuvre ou d’une existence.

 …un roman à lire comme on écoute une chanson, une vague…wave….

"C'est une histoire de voix, de corps et d'enfance. C'est ce que je cherche avec ce livre.
Où et comment ça a commencé, le sentiment d'être vivante. 
La confiance en soi, l'aptitude au bonheur, l'envie de compréhension. Mais aussi la peur, l'incompréhension, l'inquiétude, le désir d'être une autre, la porosité du monde."

 

Claudine GALEA était l'invitée de l'émission littéraire Entre Paroles et Musique diffusée sur RCF Isère les 16, 17 et 18 novembre 2011.

Cette émission a été réalisée en public au forum de la FNAC de Grenoble, organisatrice de cette rencontre avec Claudine GALEA. 

Voici les liens de cette émission : 

 EPM, RCF Isère avec Claudine Galéa partie 1 EPM, RCF Isère avec Claudine Galéa partie 1

EPM, RCF Isère avec Claudine Galéa partie 2 EPM, RCF Isère avec Claudine Galéa partie 2

 

Le Corps plein d’un rêve,

éditions du Rouergue, 2011

* Sept vies de Patti Smith est une fiction radiophonique
commandée par France Culture pour la série "Les Icônes du rock". 
Claudine GALEA a reçu pour cette création le Prix des Radiophonies 2008.  


Claudine GALEA a écrit de plusieurs fictions radiophoniques. Son travail a été récompensé en 2009 par le Prix Radio SACD. 
Elle a, par ailleurs, écrit de nombreux textes pour le théâtre, dont Les Chants du silence rouge, A demain cette nuit, L’Orélie, Je reviens de loin ou encore Au bord qui a reçu en novembre le Grand Prix de la littérature dramatique, publiés aux éditions Espaces 34. 
En littérature jeunesse, Claudine GALEA a fait paraître des albums et un roman, notamment, Un amour prodigue publié chez Thierry Magnier dans la collection « Photoroman ». 
En littérature « générale », Le Corps plein d’un rêve est sont quatrième roman. Sont précédemment parus aux édition du Rouergue : Jusqu’aux os en 2003 et Le Bel échange en 2005. Puis, L’Amour d’une femme est paru au Seuil, en 2007.

 

L'émission littéraire Entre Paroles & Musique est réalisée par Vanessa Curton et diffusée tous les mercredis à 18h30, tous les jeudis à 11h30 et tous les vendredis à 19h30 sur RCF Isère _ fréquences : 103.7 FM (Grenoble et agglomération) et 106.8 FM (Isère : La Côte-Saint-André, Chambaran, Bièvre). 
www.rcf.fr 

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 14:37

la-nonne-et-le-brigand--www.vanessa-curton.fr.jpgLysange a la quarantaine et ne croit plus au grand amour quand elle rencontre Pierre, entre Londres et Bombay. Il est grand reporter et l’entraine dans une histoire d’amour, de désir et d’absence. 

Parallèlement, elle reçoit la lettre d’un certain Tomas Uhlrich qui doit repartir au Brésil où il a passé les années les plus heureuses de sa vie. Il lui propose de venir garder sa « cabane de bois posée sur une dune dans le Sud-Ouest » de la France afin de passer ce séjour l’esprit tranquille. Dans l’insolite de cette proposition, Lysange voit l’opportunité de se détacher, si possible, de sa relation avec Pierre qui la dévore. 

Là-bas, elle découvre le journal de sœur Madeleine ; Lysange est immédiatement happée par l’écriture ronde de cette jeune femme des années cinquante, dont le coeur est pris entre sa foi religieuse et sa passion coupable pour un aventurier rencontré en Amazonie.


Les temps et les histoires s’enchevêtrent et se font résonnance. La dimension fantasmatique du roman et de ses personnages semble permettre l’analyse juste et réaliste du sentiment amoureux dans ses diverses tonalités, de l’amour platonique à la passion brulante et destructrice. Il aura néanmoins fallu à Frédérique Deghelt la place et le temps, « vingt-deux mois d’écriture », pour délayer une parole sincère qui nous emporte dans son exotisme et sa musicalité. 


La Nonne et le brigand
Actes Sud, coll. « un endroit où aller », 2011

 

Extrait : 
" Lysange se disait qu'une histoire d'amour était comme une vie tout entière. Elle avait son propre destin et ses atermoiements. Parfois elle ne s'accordait pas du tout à celui qui la vivait. Elle devenait alors un séisme, un si grand bouleversement qu'on ne pouvait plus la mener juqu'au bout. Mais abandonner une histoire qui avait tant de personnalité, n'était-ce pas s'abandonner soi-même?" 


Frédérique Deghelt est journaliste et réalisatrice de télévision. Elle est l’auteure de plusieurs romans : La valse renversante (Sauret, 1995), Je porte un enfant et dans mes yeux l’étreinte sublime qui l’a conçu (Actes Sud, 2007), La Vie d’une autre (Actes Sud, 2007) dont la sortie au cinéma est prévue prochainement (réalisation signée Sylvie Testud), La Grand-mère de Jade (Actes Sud, 2009) et Le Cordon de soie (Actes Sud, 2009).

 

 

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25 novembre 2011 5 25 /11 /novembre /2011 17:00

le-heron-de-guernica-220321.jpgDans ce roman en clair-obscur, Antoine Choplin revient sur les événements de 1937 à Guernica, à travers un jeune homme, Basilio, qui peint des hérons. L’auteur isérois poursuit ici une réflexion sur l’image & le réel dans la création à partir du célèbre tableau de Picasso "Guernica". 

 

Il était l'invité de l'émission littéraire Entre Paroles et Musique diffusée sur RCF Isère les 23, 24 et 25 novembre 2011.


Cette émission a été réalisée en public au forum de la FNAC de Grenoble, organisatrice de cette rencontre avec Antoine Choplin. 

 

Voici les liens de cette émission : 

RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 1 RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 1

RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 2 RCF Isère, EPM avec Antoine Choplin, partie 2


 

Le Héron de Guernica
éditions du Rouergue, 2011

 

 

Antoine Choplin a écrit plusieurs romans, notamment,  aux éditions Le Petit Véhicule, La Manifestation en 2001, aux éditions La Fosse aux ours : Radeau (2003), Léger fracas du monde (2005), L'Impasse (2006), Apnées (2009), et aux éditions Le Rouergue : Cour Nord (2010) et Le Héron de Guernica (2011).

 

 

L'émission littéraire Entre Paroles & Musique est réalisée par Vanessa Curton et diffusée tous les mercredis à 18h30, tous les jeudis à 11h30 et tous les vendredis à 19h30 sur RCF Isère _ fréquences : 103.7 FM (Grenoble et agglomération) et 106.8 FM (Isère : La Côte-Saint-André, Chambaran, Bièvre). 
www.rcf.fr 

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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 14:01

Des-vies-d-oiseaux-Veronique-Ovalde-www.vanessa-curton.fr.jpg« L’opacité des êtres m’intéresse beaucoup. » 


En Amérique du Sud, dans le quartier chic d’une ville du bord de mer, Vida et Gustavo s’aperçoivent en rentrant de vacances que des gens se sont introduits chez eux. Si rien n’a été volé, il semblerait que leur lit ait été occupé.

Pour résoudre l’énigme de ce « cambriolage insolite », ils font appel à l’inspecteur Taïbo qui reçoit de nombreuses autres plaintes de cette nature. Vida soupçonne rapidement sa fille, Paloma, qui a fuit la maison avec son amant et dont son père, Gustavo, ne veut plus entendre parler. 
D’une enquête policière, Véronique Ovaldé nous entraine à la rencontre de personnages attachants dont elle déploie, ou sonde, toute la subtilité des relations.
 

 




veroniqueovalde.www.vanessa-curton.fr.jpeg« Des Vies d’oiseaux a la forme d’un polar.
Pourquoi avoir choisi cette forme ?

 Le livre n’a pas totalement la forme d’un polar. Il commence par la situation d’un couple qui appelle un policier pour lui demander de venir les voir parce qu’ils ont été cambriolés. En l’occurrence, ils n’ont pas été réellement cambriolés puisque rien n’a été volé. Mais j’installe cette situation parce qu’au fond, quand on écrit un roman, on installe une sorte de suspens, toutes sortes de suspens, d’ailleurs. Policier mais aussi de « qui sont ces gens dont je parle ? Où sont-ils ? Où vont-ils ? Etc. »
J’installe donc une sorte d’enquête, mais au fond, j’ai moi-même l’impression d’enquêter sur les gens dont je parle dans un roman.

Voulez-vous dire que vous ne connaissiez pas ces personnages avant de commencer l’écriture de votre roman ? Est-ce que vous les avez inventés au cours de l’écriture ?

Je les connaissais très peu avant de commencer. J’en avais une esquisse. On a le flic un peu mélancolique, qui est revenu de tout et qui s’accommode de sa vie modeste. On a la grande bourgeoise, qui vient d’un milieu social assez misérable et qui est, du coup, écartelée entre son milieu social d’origine et celui dans lequel elle navigue maintenant. Et peu à peu au cours de l’écriture du roman, je dirais presque qu’ils se remplissent de substance, ils se remplissent de vie, ils s’enrichissent et ils peuvent, ainsi, déployer leurs vies.

J’ai, d’ailleurs, eu l’impression que ces personnages étaient de plus en plus présents, même pour eux-mêmes, au sein du livre. Comme s’ils se mettaient à exister progressivement les uns pour les autres…

C’est un peu ça… On les croise, on les rencontre, pour moi-même justement, c’est comme une enquête, comme je disais précédemment. J’en connais plus sur eux à la fin du roman qu’au début. Et ça, c’est intéressant. Tout comme quand on rencontre quelqu’un, on en connaît beaucoup plus sur lui au bout d’une année que dans l’instant où on le rencontre. J’aime bien aussi les gens qui n’ont pas l’air d’être ce qu’ils sont. Mes personnages sont donc souvent assez ambigus, ou, on a des archétypes : la grande bourgeoise, le mauvais garçon, le flic… Puis, quand on les connaît un peu, on se rend compte qu’ils sont tout à fait autre chose que ce qu’ils ont l’air d’être. Mais, il faut passer un peu de temps avec eux pour essayer de percer leur secret. L’opacité des êtres m’intéresse beaucoup.

J’aimerais revenir sur le personnage de l’inspecteur Taïbo. Il m’a fait penser à un Colombo…comme s’il y avait une dimension parodique dans ce roman.

Parodique, je ne suis pas sûre. Pour moi, il ne ressemble pas du tout à un Colombo. Chacun voit quelque chose de très différent, d’ailleurs, avec ce personnage-là... C’est amusant parce qu’il n’a pas le côté débonnaire, un peu ringard et gentiment à côté de la plaque que peu avoir un Colombo. Taïbo est beaucoup plus mutique, par exemple… Mais c’est intéressant qu’on puisse mettre dans chacun des personnages notre propre imagerie personnelle.

Je pensais à un Colombo, ou à une certaine parodie, à cause des faits divers de départ : des cambriolages, dans une maison puis dans une bijouterie, où rien n’est volé…
Comment avez-vous eu cette idée ?

Je n’avais pas envie d’une vraie enquête policière, que les gens se fassent tuer au coin de la rue par ces deux jeunes gens…parce que c’est aussi l’histoire de deux jeunes gens qui vivent comme des coucous, qui habitent chez les autres, dans les villas somptueuses de cette ville de bord de mer pendant que les gens sont en vacances. Et cette vie de coucous qui pourrait être à l’orée de la délinquance, je ne voulais pas qu’ils y aillent totalement. Ils ont une amorce d’attitude un peu asociale, mais pas complètement. J’aimais bien cette posture d’équilibriste.

J’aimerais aussi revenir sur la relation mère-fille entre Vida et Paloma. Une relation fusionnelle mais qui s’est distendue…

C’était important, pour moi, de raconter dans ce roman la façon dont les liens peuvent se créer et se distendre. Vida a eu une petite fille, Paloma. Et pendant qu’elle était petite, leur relation était, en effet, ultra fusionnelle, idyllique…comme celle qu’on peut entretenir avec un tout petit enfant, une relation charnelle même comme avec un bébé. On le renifle, on le sent, on le tripote, on est dans quelque chose de très très physique. Et peu à peu, on doit se détacher. Vida le vit comme un certain arrachement, sans doute aussi parce qu’elle n’a pas grand chose d’autre dans sa vie que l’amour qu’elle porte à cet enfant… Or, Paloma doit prendre son envol, s’ébrouer et prendre sa liberté pour se détacher de sa mère qu’elle aime beaucoup…mais c’est très difficile, évidemment, de faire sa vie en ayant une mère comme Vida. Et toutes ces relations-là, leurs subtilités, m’intéressent. Les relations amicales aussi, celles justement de Paloma avec sa jeune amie, cette amitié fusionnelle qu’on peut avoir à l’adolescence.

Puis, vous abordez la question du couple, du mariage, dont vous faîtes un triste portrait à travers Vida et Gustavo…

Ça m’intéresse aussi de voir comment les gens peuvent vivre l’un à côté de l’autre sans plus se connaître, dans une sorte d’indifférence ni totalement hostile ni vraiment amicale…l’agacement qui peut se créer entre deux personnes qui vivent l’une près de l’autre. A un moment, Vida se demande si ce ne serait pas contre-nature de vivre les uns auprès des autres…elle cherche des réponses, Vida.

Pourquoi ce titre Des Vies d’oiseaux ?

Dans ce roman, au fond, ce que je raconte de ces personnages, ce sont leurs petits bouts d’existence, et leur vie. Pourquoi des oiseaux ? Je voyais à la fois toute la légèreté, le tragique des vies d’oiseaux, leur brièveté, évidemment, quelque chose de très volatile et de très important. En ce sens, mes personnages m’apparaissaient comme toutes sortes d’oiseaux : des perruches, des coucous… Et ça m’amusait beaucoup de les regarder, pour certains, prendre leur envol.

Une dernière question. Vous avez expliqué avoir connu vos personnages en même temps que vous les avez écrits. Aujourd’hui, le livre est fini, mais vous en parlez beaucoup puisque la période qui succède à la sortie d’un livre est une période très médiatique. 

Avez-vous l’impression que ces personnages continuent de vivre un peu au fur et à mesure que vous en parlez ?

Oui… Ce n’est pas qu’ils continuent de vivre parce qu’ils continuent de vivre en général pour nous, mais surtout, ils s’étoffent. A la fin de l’écriture d’un roman, on a l’impression d’avoir dit tout ce qu’on avait à dire et de ne plus rien avoir à ajouter. Et d’en parler, on est soi-même obligé de creuser, de faire une espèce d’enquête supplémentaire d’introspection pour voir qui étaient ces personnages. C’est comme si on leur donnait un relief supplémentaire en se repenchant sur eux. » *

 

Des Vies D’oiseaux
de Véronique Ovaldé
Editions de l’Olivier _ 2011

 

24240 106003532775312 105913302784335 42982 2365354 n209273 156821817713540 156819891047066 368530 434274 o* Cet entretien a été réalisé dans le cadre de l'émission littéraire "Entre Paroles et Musique" diffusée sur RCF Isère et à l'occasion de la rencontre du 7 octobre organisée à Lyon par la FNAC entre les auteurs et les élèves de Lycées participant au Goncourt des lycéens 2011. 

 

Véronique Ovaldé est l’auteure de plusieurs romans. Depuis son premier roman en 2000, Le Sommeil des poissons (Seuil), elle a reçu plusieurs récompenses dont le Prix France Culture / Télérama pour Et mon cœur transparent (édition de l’Olivier, 2008), le Prix Renaudot des lycéens 2009, le Prix France Télévision 2009 et le Grand Prix des lectrices de Elle 2010 pour Ce que je sais de Vera Candida (édition de l’Olivier, 2009).

 
Bibliographie :

- 2000 : Le Sommeil des poissons, Seuil

- 2002 : Toutes choses scintillant, L'Ampoule

- 2003 : Les hommes en général me plaisent beaucoupActes Sud

- 2005 : Déloger l’animal, Actes Sud

- 2006 : La Très Petite Zébuline avec Joëlle Jolivet, Actes Sud Junior

- 2008 : Et mon coeur transparent, éditions de l'Olivier

- 2009 : Ce que je sais de Vera Candida, éditions de l'Olivier

- 2009 : La Salle De Bains Du Titanic, recueil de nouvelles hors-commerce, J'ai Lu.

- 2011 : Des Vies d'oiseaux, éditions de l'Olivier

 


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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 14:11

livre-lart-francais-de-la-guerre-alexis-jenni.-www.vanessa-.jpgL’art français de la guerre (Gallimard) est le premier roman ambitieux et magistral du lyonnais Alexis JENNI. Il revient sur un peu plus d’un demi siècle de conflits français et réfléchit sur notre époque, sa violence, son langage, à travers deux personnages qui se rencontrent. En échange d’être aidé à écrire son histoire, Victorien Salagnon (qui a vécu vingt ans de guerre) va apprendre au narrateur (fonctionnaire) l’art de l’encre chinoise.


 

"Alexis JENNIL’Art français de la guerre est votre premier roman et vous propulse parmi les candidats des prix d’automne dont le Prix Goncourt, le Prix Médicis, le Prix Femina ou encore le Prix Renaudot…

 Je ne m’y attendais pas du tout. C’est très extraordinaire. J’ai écrit ce roman sans savoir s’il allait être publié. Je l’espérais, évidemment. Qu’il soit publié était déjà un bonheur colossal. Qu’il soit un peu lu, était un bonheur énorme…alors, être sur des listes de prix…c’est une sorte de conte de fée qui a commencé par une enveloppe à la poste et qui continue…

 Avez-vous mis longtemps avant de trouver un éditeur ?

 Le temps que la Poste transporte mon enveloppe jusque chez Gallimard et le temps qu’ils le lisent. Le premier essai était le bon…

 Comment est né ce livre, L’Art français de la guerre ?

 Progressivement. Je n’avais pas pour projet d’écrire un livre historique, de raconter cinquante ans d’histoire. Ça s’est fait petit à petit, généré par l’écriture et par le désir de faire un roman où il y aurait des péripéties, des épisodes, des aventures, etc. Petit à petit ça s’est mis à grossir. Plusieurs thématiques se sont croisées, et le projet est apparu. Il devait être gros parce qu’il y avait beaucoup à dire, beaucoup de thèmes à mêler. Je ne pensai à aucune stratégie éditoriale, ce qui m’a permis d’écrire le roman dont j’avais envie, en prenant la place qu’il devait prendre et en prenant le temps, aussi, qu’il fallait.

 Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ?

 Environ cinq ans. Ça impressionne toujours quand je dis ça, mais je n’avais rien prévu. On a l’impression qu’il faut cinq ans pour faire ce type de travail, pour se documenter et écrire ensuite. Pour moi, c’était cinq ans de pratique de l’écriture, avec une découverte au fur et à mesure de la documentation. J’ai d’abord écrit et me suis documenté en cours de route.

 Vous balayez un demi siècle de guerres relatives à la France, dans ce récit qui est le fruit d’une rencontre entre un personnage principal, Victorien Salagnon, et un narrateur. Celui-ci est d’ailleurs assez peu satisfait de sa condition de narrateur…

 Oui, c’est un narrateur qui voudrait montrer. C’est un peu paradoxal qu’un roman raconte l’histoire de quelqu’un qui voudrait ne pas être dans un roman mais dans un dessin. Le dessin est important dans cette histoire. Il calme les choses. Le dessin, c’est ce qui se tait. C’est ce qui prend le temps. Or, l’histoire est pleine de violences et de précipitations. Le dessin est une respiration. Et c’est effectivement une rencontre entre deux personnes de générations différentes…

 Qui est Victorien Salagnon, justement ?

 C’est un homme normal, au départ. On le voit, lycéen, dans les années 1940. C’est un adolescent vigoureux qui a des désirs d’aventure et de voyage, comme tout le monde. Simplement, on est en 1943. Il a 17 ans. Pour vivre l’aventure en France à cette période, il faut carrément aller faire la guerre qui ravage le monde. Il se retrouve donc un peu par hasard happé par la guerre. A l’époque la France est plongée dans une guerre interminable dont on a un peu oublié la continuité. C’est un personnage qui au départ est normal et qui va passer vingt ans dans une situation anormale au sein de laquelle il va essayer de maintenir son équilibre intérieur.

 …ce qui passe, en l’occurrence, par la pratique de l’encre chinoise…

 En effet. On raconte la pratique de l’encre, mais c’est aussi une idée narrative, une idée romanesque…pour dire que dans une situation extrêmement violente, où l’on est dans le ping pong, dans la réaction, etc., une pratique silencieuse qui prend le temps est la seule chose qui permette de se sauver. De sauver son âme, son psychisme, son corps… C’est ce qui empêche de réagir trop violemment à l’environnement. Ça le sauve, et c’est ce qu’il va transmettre à la génération suivante, à ce narrateur qui est dans le monde actuel. Il lui transmet cette capacité à vivre en paix.

La structure de ce roman est une alternance entre « Commentaire I, II, III… » et « Roman I, II, III…. ». Pourquoi ce choix formel ?

Ce choix correspond à un problème que je voulais résoudre. Je voulais combiner dans un même roman le passé et le présent…les tensions du présent et les fantômes du passé qui expliquent un peu les tensions du présent. Je voulais à la fois raconter le passé et raconter le présent. Si je les avais entrelacé en permanence, j’aurais perdu le côté aventureux du passé ou le côté étouffant du présent. En séparant les choses, en alternant, j’arrivais à combiner ces deux échelles de temps dans un même roman.

Cette alternance montre que l’on est aujourd’hui encore dans une forme de guerre qui n’est pas nommée, qui est rationalisée. Est-ce ce que vous vouliez illustrer ?

 J’ai mis de ça dans le roman. Mon idée n’est pas une idée d’historien ou de sociologue mais une idée de romancier. J’ai l’impression de vivre dans un monde violent et étouffant qui a du mal à aller vers l’avenir. L’une des composantes de cet étouffement vient d’un passé, d’une histoire que l’on n’arrive pas à raconter. De nombreux réflexes actuels sont directement issus de ce passé violent, compliqué, à moitié caché, à la fois complètement montré et jamais vraiment raconté. C’est finalement un passé qui ne passe pas, et qui intervient dans le présent, qui nous fait agir sans que nous le sachions vraiment. Cette guerre interminable, d’une vingtaine d’années, en 1962, on a fait semblant de l’arrêter. On s’est surtout dit qu’on voulait ne plus jamais rien avoir à faire avec, plus jamais en parler, et considérer qu’on était définitivement en paix. Mais cette espèce de dénie, finalement, ce non traitement du passé, fait que la violence perdure. Ce n’est évidemment pas la seule source de la violence. La source essentielle vient que nous sommes une société inégalitaire qui ne supporte pas l’inégalité, avec une révolte qui couve en permanence et qui prend des formes issues de l’histoire française. C’est une révolte sociale mais qui obéit au génie français, avec cette espèce de re-jeu des colonies, ces re-jeux d’une certaine façon de pratiquer l’art militaire, de vouloir user de la force, etc.

 Vous questionnez aussi la langue, l’identité sociale à travers plusieurs notions, comme celle de la race. Est-ce que réfléchir sur la guerre amène automatiquement à réfléchir sur le langage ?

 Non, c’est de faire un roman qui nécessite d’interroger la langue. La langue est ma passion première, plus que l’histoire ou que les guerres coloniales. Pour moi, le roman est une construction de la langue. C’est vraiment le travail de la langue qui créé le roman. Mais, au-delà de ça, c’est vrai qu’un certain nombre d’expressions, de mots sont difficiles à prononcer. Quand on les dit, on ouvre aussitôt un monde de connotations politiques ou sociales. C’est quelque chose qui me passionne, qui m’intéresse et qui me fait souffrir, aussi, parce qu’un certain nombre de mots semble m’être interdit… Ce roman pose aussi cette réflexion : comment notre passé violent a marqué la langue et comment la langue garde des traces de ce passé. Dans les rues d’Alger, on voit encore des trous de balles sur les murs…les bâtiments gardent les traces de violence comme les mots, la langue, gardent les traces de la violence.

 C’est notre structure, en somme…

Tout à fait…Des mots qui ont été employés à certains moments dans des situations très violentes gardent cet écho-là. On ne peut plus les prononcer innocemment. Ils sont entachés.

 L’Art français de la guerre oscille entre récit romanesque, essai et prose poétique. Est-ce une vision idéale du livre que vous avez voulu proposer par cet entremêlement de trois genres littéraires ?

J’hésitais entre ces trois genres d’écriture. Je voulais, en effet, à la fois faire du romanesque, du poétique et de l’analytique. A force d’hésiter, j’ai fait les trois. C’est important, pour moi, qu’un roman mêle ces trois modes d’écriture qui correspondent à trois façons de voir les choses. C’est aussi trois façons de prendre plaisir à l’écriture et d’avoir du bonheur d’écriture…

Finalement, pourquoi ce titre L’Art français de la guerre ?

 C’est une allusion au traité chinois qui s’appelle L’Art de la guerre dont il est question un petit peu dans ce livre. Je me suis dit « c’est un art français » c’est-à-dire « une façon française de pratiquer l’art de la guerre ». Cette façon qui est d’espérer qu’avec beaucoup de force et beaucoup de bravoure et de panache, on arrive à emporter le morceau. Ça ne fonctionne pas, certes, mais ça nous fait de merveilleuses défaites dont nous sommes fiers et que nous racontons longtemps après. Waterloo est, par exemple, beaucoup plus raconté dans la littérature française qu’Austerlitz… (sourire) " *

 

209273 156821817713540 156819891047066 368530 434274 o24240 106003532775312 105913302784335 42982 2365354 n* Cet entretien a été réalisé dans le cadre de l'émission littéraire "Entre Paroles et Musique" diffusée sur RCF Isère et à l'occasion de la rencontre du 7 octobre 2011 organisée à Lyon par la FNAC entre les auteurs candidats au Prix Goncourt des Lycéens et les lycéens rhône-alpins participants. 


Extrait :

«  Et vous n’utilisez que de l’encre, souffla Salagnon émerveillé.

- A-t-on besoin d’autre chose ? Pour peindre, pour écrire, pour vivre ? L’encre suffit à tout, jeune homme. Et il n’est besoin que d’un pinceau, d’un bâton d’encre pressée que l’on dilue, et d’une pierre creusée pour la contenir. Un peu d’eau aussi. Ce matériel de toute une vie tient dans une poche ; ou si l’on n’en possède pas, dans un sac pendu à l’épaule. On peut marcher sans encombre avec le matériel d’un peintre chinois : c’est l’homme en chemin qui peint. Avec ses pieds, ses jambes, ses épaules, son souffle, avec sa vie entière à chaque pas. L’homme est pinceau, et sa vie en est l’encre. Les traces de ses pas laissent des peintures. »

 

Mercredi 2 novembre : Alexis JENNI reçoit le Prix GONCOURT 2011. 


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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 18:36

01070660463.gifEnfance obscure de Pierre Péju 
éditions Gallimard _ collection "Haute enfance"

« L’opacité matinale du monde est aussi la promesse que tant de choses qu’il ignore finiront par prendre formes et couleurs. Avec lenteur. Avec le Temps, l’inépuisable Temps qu’un enfant croit avoir devant lui. »

Dans cet essai, le philosophe et romancier isérois s’intéresse à l’Enfantin. À ne pas confondre avec « souvenirs d’enfance », ce concept que Pierre Péju dessine est aussi fugace qu’un instant de conscience. L’Enfantin est souvent lié à des peurs, des hontes et à des expériences originelles, mais aussi à un Ailleurs, à un Au-delà qui lui octroie une certaine universalité.


Résultant en actes et se révélant dans la création artistique mais aussi littéraire, Pierre Péju nous livre dans cet essai diverses incarnations de l’Enfantin dans la littérature, citant notamment Nathalie Sarraute, Victor Hugo, Franz Kafka, Vladimir Nabokov, Marcel Proust, ou encore l’Enfance berlinoise du philosophe, historien d’art et critique littéraire, Walter Benjamin.

Si l’enfant a longtemps était méprisé par les philosophes, la modernité qui le revalorise (voire le survalorise) a ouvert une nouvelle dimension aux réflexions qui le concernent. Pierre Péju fait ainsi état de cette évolution, évoquant différentes conceptions de l’enfant de Kant à Sartre en passant par Rousseau dont il dit que Les confessions « demeurent comme un monument et comme un repère sur le long chemin de la production moderne de l’Enfantin ».

D’une langue accessible, cet essai puise une force indéniable dans les nombreuses anecdotes et récits de souvenirs de son auteur qui mêle sincérité et poésie à la réflexion philosophique. 


EXTRAIT :

" Si je choisis de faire le récit d'une très lointaine anecdote, c'est pour tenter d'en révéler le "noyau d'enfance". Noyau plus dur, plus secret, mais aussi parfois plus menaçant que ce temps puéril que l'on se croit capable de restituer. Car l'Enfantin n'est jamais séparable d'une menace, de l'expérience originelle d'une peur, d'une honte ou d'un enchantement. De recoins sombres d'où la monstruosité, croit-on, va surgir. Mais aussi de recoins protecteurs et chauds, de cachettes, de territoires où vivent des bêtes. Terreur du vaste extérieur et réconfort primitif procuré par le rougeoiement des flammes.... La peur, dans mon récit, n'est pas uniquement celle de "l'homme assis dans le noir". Le spectre principal - que je le nomme Enfantin ou, pourquoi pas ? "enfantôme" - consiste en une impression très simple d'ombre et de lumière jointe au poids, que je sens encore, certains jours, au bout de mon bras, de la lourde lampe torche dont j'avais tant de mal à faire jaillir le pinceau lumineux. Ma lutte avec les ténèbres était si douloureuse physiquement qu'elle subsiste encore, tant d'années plus tard, dans la mémoire de mes phalanges, la paume de ma main, dans mes nerfs et mes muscles, et, bien sûr, dans la crainte archaïque et confuse, qui ne m'a jamais vraiment quitté, de "ne plus rien y voir"!" 


 Pierre Péju est l’auteur de romans, notamment de La Petite Chartreuse (2002), du Rire de l’ogre (2005) ou de La Diagonale du Vide (2009) parus chez Gallimard, de Marée basse : méditation sur le rivage, sur ce qu’on y trouve et sur le temps sans emploi paru aux éditions Jérôme Million (2009),
d’essais dont La Petite fille dans la forêt des contes (Robert Laffont, 1981 et 1997), L’archipel des contes (Aubier, 1989) ou Lignes de vie, Récit et existence chez les romantiques allemands (José Corti, 2000). 
Pierre Péju écrit également chaque mois la chronique « Question d’enfance » dans la revue Philosophie magazine

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 12:01

Solene--www.vanessa-curton.fr-copie-2.jpeg« Si vous m’entendez, c’est que je serai morte depuis bien longtemps. On aura donc retrouvé nos traces dans les décombres de Poleymieux ; les archéologues auront prélevé parmi nos cendres – si le temps n’a pas tout effacé – les biopuces où sont marquées toutes nos paroles et toutes nos pensées. »


Dans la région lyonnaise après l’exode, une jeune fille singulière écrit le journal de ses pensées qui sont imprégnées par celles de ses proches puisqu’elle a le pouvoir d’aller dans leurs esprits. Elle les observe attentivement avec une grande tendresse.

« Pleine de mots », Solène appartient à une famille de réfugiés avec qui elle vit dans une maison au milieu de lisières où sont installées des protections magnétiques. Sortir de ces lisières, c’est aller entre les ruines et les friches, risquer de se faire mordre par ces tribus de Ravagés, risquer le fléau lié à ces ombres létales qui se propagent « toujours en soirée par beau temps, dés que le soleil se penche vers l’horizon et que la lumière devient grenat. »

 Écrit avec beaucoup de poésie, Solène est un roman lumineux malgré l’univers post-apocalyptique qu’il dépeint et qui pourrait nous évoquer La Route  de Cormac Mac Carthy. La magie des mots et des espoirs écorchés nous amène jusqu’à la dernière ligne de ce livre de François Dominique. 


François Dominique est l'auteur de plusieurs romans et récits, dont Aséroé (POL, 1992), La Musique des morts (Mercure de France, 1996), Parole donnée (Mercure de France, 1999) ou Romulphe (Mercure de France, 2008). Il a également écrit plusieurs recueils de poèmes, notamment Petite Cassandre avec les photographies de Bernard Plossu (éditions du Murmure, 2011). 

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