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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 10:16

 

couv_larmes.jpegAu Chili dans la ferme des Poloverdo vivent un couple et un enfant, Paolo, « né de la routine de leur lit, sans amour particulier » et qui passe « ses journées à courir après les serpents ».

Un jour chaud de janvier, un homme décide de s’installer chez eux après plusieurs semaines d’errance. Il répond au nom d’Angel Allegria et vient d’un monde où la mort est monnaie courante. Sans amertume, il égorge les parents de Paolo pour pouvoir trouver dans cette ferme le refuge idéal.

Tout commence véritablement néanmoins quand l’assassin demande à l’enfant quand il est né. « C’est le jour où tu es venu », répond t-il. Aussi énigmatique que peuvent être ces quelques mots, Allegria comprend brusquement qu’il est devenu père, par hasard.

Dans un décor de western, la dimension allégorique de ces personnages s’étoffe. D’autant plus avec l’arrivée de Luis Secunda – qui, à trente ans, est parti de chez ses parents pour faire un tour du monde à la manière d’une autruche c’est-à-dire sans aller bien loin – et qui va enseigner la lecture à l’enfant.

L’assassin qui n’était que lui, pour lui et par lui avec la monstruosité de sa nature et le vide de sa conscience va peu à peu apprendre ce qu’aimer veut dire, ce que cela engage auprès de l’autre et soi-même, le meilleur jusqu’à l’acerbe, la douleur qui en découle.

L’écriture est sans emphase, juste et simple, et fait de ce récit un espace initiatique et presque philosophique. Elle expérimente le changement possible de l’homme qui parvient à dompter le pire de soi en trouvant un sens à son existence _ et la confiance d’un enfant, et l’amour pour celui-ci.

 

Les larmes de l’assassin
Anne-Laure Bondoux
Edition Bayard Jeunesse, 2003

Ce roman a reçu plusieurs prix : le Prix Sorcière 2004, le Prix ado Rennes 2005 et le Prix roman jeunesse France Télévision 2006. 

 

A voir aussi : la  BD Les larmes de l'assassin de Thierry Murat joué en concert par Spendor in the Grass, éditions futuropolis. La réalisation de la vidéo qui suit est d'Antoine Hacquin : 


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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 17:19

americain"(...) promène-moi encore dans ton existence, Léo,
à ton rythme,
j'ai tellement besoin de te connaître (...)

 

Adolescent sans problème, Léo découvre par hasard que sa mère, Claire, est secrètement en contact avec son père qui a disparu après l'avoir mise "en cloque". Depuis seize ans, celui-ci n’est pour Léo qu’un américain examiné inlassablement sur une photo de groupe, unique souvenir des deux mois que Claire a passé à travailler aux Etats Unis à vingt ans. Les repères de l’adolescent s’effondrent brusquement, se sentant trahi par sa mère qui ne savait tout simplement pas comment lui annoncer que son père était en prison dans les couloirs de la mort.

Soutenu par ses amis Yannis et Esther qui « lui donnent des ailes, (et) l’entrainent dans des sphères de la vie auxquelles il n’avait pas accès, jusque là », Léo décide d’écrire à son père, Benjamin, amorçant ainsi une relation épistolaire avec lui. Sur le ton de l’honnêteté, évoquant des situations souvent dures et crues, leurs liens se tissent progressivement "d'un mur à l'autre".

Dans une écriture qui est sans jugement, Fred Paronuzzi redonne une voix à ceux qui la perdent, à travers un regard net qui leur octroie le droit au repentir. L’auteur nous murmure entre les lignes que l’espoir d’une existence réside aussi dans la beauté et le miracle (parfois) des relations, familiales, amoureuses et amicales, et dans la façon dont on les construit aujourd’hui, demain restant une lueur incertaine. 

 

Mon père est américain
De Fred Paronuzzi,
aux éditions Thierry Magnier, 2012
Illustration de couverture par Alfred 

 

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 00:02

 

416UipnE1aL.jpg"Vénus est folle. Elle tourne à l'envers. C'est la seule planète dans ce cas. Sur Vénus le soleil se lève à l'ouest et se couche à l'est. On n'a pas encore trouvé de véritable explication à ce phénomène. On ne sait pas tout."

Sa petite soeur est atteinte d'un cancer. Alors, Romain et ses parents emménagent en face de l'hôpital dans une maison spécialisée où il rencontre Alexia qui a le même âge que lui et qui connaît presque tout des maladies.

Avec tendresse, sourires et un grand bol d'imagination astronomique, ce roman classé jeunesse nous apporte une certaine légèreté là où l'espérance pourrait manquer !

A lire pour partager, accompagner ou juste s'émouvoir joliment.  

_ Mon Vaisseau Te Mènera Jeudi Sur Un Nuage _ Marcus Malte _ éditions Syros _ 2011 _ 

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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 22:13

à propos de l'album Kid illustré par Loren Capelli
& de son roman Pirate des Garages-Vides

Vers un langage libre

 

Corinne Lovera Vitali écrit depuis douze ans, oscillant entre littérature adulte et littérature jeunesse. Des étiquettes, des carcans auxquels elle ne prête pas grande importance puisque selon elle tout est connecté. Tout participe d'un même cheminement, celui d’une écriture et d’une voix singulières où résonne, comme un cheval de bataille ou comme un précepte sans norme, un seul mot d’ordre hérité de Virginia Woolf : "tout ce que je veux".

 


 

"Corinne Lovera Vitali, nous nous rencontrons pour parler de votre travail d’écriture à travers deux de vos derniers livres : un album, Kid, illustré par Loren Capelli et publié aux éditions du Rouergue en 2010, et un roman pour adolescents, paru chez Thierry Magnier en 2009.

 

Vous avez écrit plusieurs livres en littérature générale dont Nitti en 2002 et Nouvelle vie en 2004, édités tous les deux chez Gallimard. Mais vous avez un attachement particulier à un recueil de monologues, La Taille des hommes, publié en 2006 aux éditions Comp’Act qui se sont ensuite appelées l’Act Mêm, et qui ont malheureusement cessé leur activité depuis peu…

 

 

Oui, je suis spécialement contente d’avoir édité La Taille, même si c’est un livre qui se fait rare… Il a existé et continue d'exister davantage par les lectures publiques que je fais de certains des monologues, notamment tout ce que je veux, qui a été aussi édité à part, aux éditionsprécipitées, une maison encore plus petite que Compact’ mais avec aussi une très très belle détermination. C’est d’ailleurs dans cette même maison, créée par Claire Colin-Collin, une amie qui est peintre, que va sortir bientôt un autre recueil de textes que j'ai appelé scrute le travail. C’est un ensemble de textes sur la peinture, sur l’écriture et sur comment je travaille quand je travaille toute seule, quand je travaille avec une illustratrice, Loren, ou quand je travaille avec un illustrateur qui n’est pas Loren… Disons, sur mes expériences différentes de travail. Souvent on fait des choses par hasard, par impulsion, par intuition, et après, quand le travail commence à avoir une certaine épaisseur – ce qui est mon cas parce que ça fait maintenant douze ans que je publie –, on peut regarder ce qui se passe et comprendre un peu mieux… Par exemple ce que je préfère faire et ce que je ne veux plus faire, pourquoi je le fais et pourquoi je ne le fais plus, ce qui m’intéresse… et effectivement essayer, passer à l'acte. "Tout ce que je veux" est vraiment un motto, un mot d’ordre. C’est pratiquement impossible à atteindre ! Mais c’est le but ! Arriver à faire tout ce que je veux… vient d’une phrase que Virginia a écrite dans son journal en 1923 : « Il me vient une idée délicieuse, j’écrirai tout ce que je veux écrire. »

 

 Tout ce que je veux écrire, est-ce que ça veut dire mettre de côté la littérature dite "adulte" ? Depuis 2006, vous n’en avez plus publié !

 

Je n’en ai plus publié, effectivement, mais ça ne veut pas dire que je n'y travaillais pas, au contraire, les chantiers "adultes" se sont épaissis toutes ces années. Simplement j'étais davantage disposée et disponible pour mon travail à destination de la jeunesse. Les chantiers adultes sont plus lourds, j’y vais plus lentement.

Je prends davantage de temps qu'auparavant. scrute va voir le jour, en juin, après avoir été initié en 2006… et un roman, Monde Meilleur, vient aussi d'être achevé…

 

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans la littérature jeunesse ?


Je ne sais pas bien me compartimenter, c’est-à-dire que je parle de mon travail ou de mon écriture sans faire de hiérarchie. Vraiment ! La hiérarchie que je fais, ensuite, c’est plutôt par mon autocritique. Il y a des livres qui sont meilleurs que d’autres. Je le sais. Je le sais une fois qu’ils sont parus… ou je le sais avec le temps… Par exemple, Kid, qui est le deuxième album que j’ai publié avec Loren, pour moi, c’est une des choses, un des travaux les plus aboutis qui soient. Pourtant, effectivement, il n’est "qu’un album jeunesse" — entre guillemets. Ça veut dire qu’il aura peu de visibilité chez les adultes, il aura de la presse mais en jeunesse, etc., parce que tout ça est très compartimenté, même au sein de la littérature de jeunesse où il y a encore du compartimentage entre le roman et l’album, les âges des lecteurs, etc. Tandis que le seul distingo que je fais c'est que quand j’écris un roman je suis toute seule, et quand je travaille à un album je le fais avec un illustrateur. Et ça c’est un GROS distingo ! Je ne pourrais pas travailler tout le temps toute seule. J’ai besoin de cette alternance, j’ai besoin du travail en équipe. J’imagine donc qu’à la base, l’alternance entre roman et formes courtes vient de là. Mais les deux se nourrissent. Et je pense que la littérature dite de jeunesse me permet de faire exister ma voix adulte – tandis que c'est peut-être dans le roman adulte que ma voix enfant peut exister le plus fort…

 

 

Parlons de Kid.

Comment en êtes-vous venue à travailler avec Loren Capelli ? Comment vous êtes-vous rencontrées ? 

 

C’est une histoire qui a pris son temps là aussi. Loren était venue me voir sur un salon du livre en 2006. Elle avait aimé Lise. et on a eu une première discussion, puis j’ai vu son travail. C’est une artiste qui essentiellement dessine, fait de la gravure, plus que de la peinture pour l’instant, mais ce n'est pas seulement "une illustratrice qui a du talent", comme des milliers d'illustrateurs "ont du talent", c’est quelqu’un qui a vraiment quelque chose à part. On avait un grand désir de travailler ensemble, et beaucoup d'affinités.  Ça a pris son temps… Et la première occasion de publier ensemble, ça a été pour le premier album au Rouergue qui s’appelle C’est Giorgio.

 

 Qui a d’ailleurs reçu le Prix Rhône-Alpes du livre jeunesse en 2009 !

 

Oui ! Kid n’a pas eu de prix, mais il est arrivé deuxième au Baobab, à Montreuil… Ce qui est plus que génial pour ce livre-ci en particulier…

 

 Pouvez-vous nous parler de l’histoire de Kid ?

 

C’est une jeune femme, une narratrice qui raconte un moment de sa vie très particulier. Durant un été, on comprend qu’elle perd ses parents et en même temps qu’elle vit cette épreuve, il y a un chaton, Kid, qui débarque chez elle. Kid est vraiment central, même si l’album fait des va-et-vient dans le temps. C’est une expérience de perte et de deuil et de très grande vie qui arrive – de nouvelle vie, de renaissance.

 

Kid, le chat, est porteur de cette vie-là…

 

Oui ce Kid, il déboule dans sa vie. Il est complètement abandonné lui-même par ses père et mère. Il est un peu dans la même situation que la narratrice. C’est une espèce d’adoption mutuelle. Il y a quelque chose de très ancré dans le foyer, dans un territoire-foyer. Il y a beaucoup de scènes d’intérieur dans le livre, et c'est Kid qui fait le lien avec le dehors.

 

Comment votre travail avec Loren Capelli s’est-il passé ? Qu'est-ce qui a servi de point de départ, le texte ou les illustrations ?

 

… C’est de la très grande chimie, tout ça… ce serait difficile à décortiquer… On nous pose souvent la question, on a bredouillé des réponses pendant des années… Notre travail et notre façon de travailler sont atypiques. La loi dans l’édition jeunesse pour les albums, la Loi avec un grand « L », c’est que quand vous êtes auteur avec un petit « a », vous donnez votre manuscrit à votre éditrice qui va ensuite chercher un illustrateur. La création du livre se passe en deux temps. Vous avez très peu de relation avec l’illustrateur, en général. Et quant à moi je ne veux plus travailler comme ça, parce que ça ne me convient pas. Même si ça a pu produire de bons livres, je recherche le travail en équipe.

 

Mais là, il a bien fallu une idée première !

Là, c’était le texte… Loren dit, par exemple, qu’on fait des livres à quatre mains. Évidemment, c’est Loren qui dessine et je reste celle qui écrit. Mais il y a tellement de dialogues… Il se trouve que Loren habite ici, on se voit pour d’autres choses, on parle beaucoup d’autres choses… Il n’y a pas " on travaille puis on boit le thé", non, quand on boit le thé, souvent on travaille. C’est très poreux. Puis, on arrive à très bien se connaître… surtout qu’au départ on est sur la même longueur d’onde au niveau de ce qu’on aime voir, de ce qu’on aime entendre…

Mais Loren a ça de particulier de ne pas être protectionniste avec son travail. C’est-à-dire qu’elle m’autorise à parler très librement de son dessin sans se sentir jugée ou sans sentir qu’elle doit défendre son travail… et… je pense qu’elle est intéressée par son travail en mouvement, et par la façon dont on se met en mouvement l’une l’autre. On accepte le dialogue. Ce dialogue produit d’ailleurs souvent des remises en cause. Par exemple, pour Kid, on est partie dans des directions qu’on a abandonnées en accord mutuel parce que ça n’allait pas. Mais, il fallait bien y aller pour s’en rendre compte. Il fallait bien y aller à deux aussi pour le voir… ça c’est très rare, j’insiste. D’expérience, on est assez refermé sur son savoir-faire ou sur sa production. On n’aime pas trop que quelqu'un vienne nous dire "blablabla oui mais là si tu avais fait ci ou ça"… Et Loren, elle accepte ça de moi.

 

 

 

 

408572639En 2006, dans Lse. et la Taille des hommes, la ponctuation éclatait. Elle s'effaçait, ce qui n'est plus le cas dans Pirate des Garages-Vides, Rapport. La virgule est revenue… Sentez-vous que votre style évolue de livre en livre ?

 

La disparition de la virgule, c’était pas pour faire la maligne ou expérimenter des choses. C’était très directement lié à un sentiment d’autocensure ou de frein que j’avais. La ponctuation, en général, et pas seulement la virgule, me permettait des raccourcis, me permettait de m’arrêter avant d’avoir été suffisamment loin. Je n’étais pas satisfaite du déroulement de la pensée et de la syntaxe, de la phrase, donc. Ce n’était pas assez poussé.

 


Pourquoi la ponctuation a-t-elle pu revenir avec Jim, le protagoniste de ce roman ?  

 

On a grandi Lise et moi. Et Jim, même s’il est plus jeune que Lise…

 

Quel âge a-t-il, à peu près ?

 

Je ne sais pas trop… Je pense que Lise avait peut-être 16 ans, c’est pas très net dans ma tête. Jim, il est entre 9 et 12 ans... Mais c’est un garçon, et ça c’est nouveau.

Le sous-titre, c’est « Rapport » parce que Jim est chargé d’écrire lui-même son rapport à son juge. C’est donc beaucoup plus structuré. Lise déroulait une espèce de journal intime tandis que Jim fait un compte-rendu. Il se retrouve à la campagne après avoir été pris en flagrant délit dans sa caverne, dans ses garages vides, d’accumuler des trucs dont il n’avait absolument pas besoin… Il écrit son rapport et il y trouve du plaisir. Il aime écrire et découvre tout ce qu’on peut faire avec la ponctuation. (Je ne suis pas du tout contre la ponctuation !)

 

 

Il est d’ailleurs très intéressé par l’effet liste !

 

Il a ça en commun avec moi. Les listes, les numéros, tout ce qu’on peut dire dans une liste. D’ailleurs, une phrase, c’est une liste de mots.

 

 

Pouvez-vous nous parler de ses parents ? Pourquoi Jim se retrouve t-il seul à la campagne, à devoir faire ce rapport ?

 

Jim a un papa qui faisait un peu la même chose que lui, ou plutôt, il fait la même chose que son père qui fauchait des trucs et qui se retrouve en prison. Il n’y a rien de terrible dans ce qu’ils font. N’empêche que c’est répréhensible. Il s’est fait piquer, il s’est fait avoir.

 

 

Et il se retrouve chez sa tante Nini…

 

D’un commun accord, la mère de Jim, son juge, la psychologue et son instituteur décident qu’il devrait "changer d’air". Il se retrouve chez Nini à la campagne. Il va à l’école, il a une nouvelle institutrice. Puis il est censé travailler un peu. Il doit choisir entre le potager et les poussins. Il prend en charge les poussins, alors qu’a priori, tout ça l’ennuie profondément…

 

 

D’ailleurs, les poussins l’obsèdent beaucoup, mais aussi cette notion de cercueil...puisque sa tante l’enferme dans une espèce de cantine rouge pour éviter qu'il se fasse prendre par l’assistance sociale…

 

Oui oui. Mais le rapport de Jim avec les poussins a un rapport direct avec la langue. Il fait un lien entre les petits poussins et le Petit Poucet. Il commence à jouer avec les mots…

J'ai appelé ce livre Pirate des Garages-Vides, et peu de gens entendent Pirate des Caraïbes dedans. Moi, je l’entends très fort… Il est beaucoup question de lapsus, de jeux de mots… On invente aussi des histoires à partir de lapsus… Donc, le fait qu’une malle s’appelle cantine, que Jim porte le nom d’un pirate fameux de L'Île au trésor et que le dernier film qu’il ait vu avec Nini juste avant l’épisode de la malle ce soit Les Contrebandiers de Moonfleet, qui est un film de pirates avec un petit héros garçon… Tout ça évidemment, c’est concentré parce que c’est un roman. Mais ça existe dans la vie, ce genre de croisements qui font tilt…

 

 

Jim s’intéresse effectivement au langage et se pose beaucoup de questions. J’ai noté cette phrase : « Est-ce que je peux me parler librement à moi ? Est-ce que c’est possible parler librement d’abord ? Dés que je me suis posé ces questions librement a plutôt eu l’air menotté »Partagez-vous ce sentiment ?

 

On revient encore à ce "tout ce que je veux" qui est un objectif. Parler librement c’est comme une injonction paradoxale puisque le langage est structuré. Qui parle librement mis à part les bébés qui n’ont pas encore le langage, qui s’expriment d’une manière primitive, primaire ? Le langage nous formate. On peut décider de jouer avec, ce que fait Jim, ou d’aller plus loin dans les formes expérimentales quand on est plus grand et plus courageux aussi. On peut essayer, je pense, de ne pas faire trop de concessions et de trouver sa langue. Elle ne va peut-être pas plaire à tout le monde mais ce n’est vraiment pas important, ça va être sa langue.

 

 

L’écriture vous permet-elle d’avoir un langage plus libre ?

 

L’écriture m’a permis d’aller dans des zones où je ne serais jamais allée sinon. C’est parfois très long, parfois ça ressemble à des tunnels… ça peut sûrement sembler irritant à entendre pour des gens qui ont des activités autrement plus pénibles, en termes de pénibilité du travail écrivain c'est quand même la planque… Cependant, si on veut faire autre chose que de raconter une histoire, et aller le plus loin qu’on peut au moment où on le fait, certains passages, certaines périodes peuvent être assez pénibles… Puis il y a des petits moments où ça s’ouvre. Je pense que c’est exactement comme dans la vie. Pour ces moments-là, ça vaut le coup. Ces petits moments où ça s’ouvre, on peut les percevoir, on est synchrone… On les voit, puis on les perd. Sauf qu'ils sont là, ils ont été là, c’est intégré en soi… Pour répondre plus directement, oui, je me sens dans un mode de communication peut-être plus direct qu’avant. Et l’écriture m’a permis d’utiliser différemment les mots, dans mon quotidien, aussi."

 


 

Puisque tout est connecté, Corinne Lovera Vitali a créé avec Claire Colin-Collin et Loren Capelli un portfolio "NON"  "pour faire, faire ensemble, et faire tout de suite" , accessible à l'adresse suivante :  http://non.ultra-book.com/

 

Ne pas manquer d'aller visiter le site de Loren Capelli : lorencapelli.com

et le blog des éditionsprécipitées (citées lors de cet entretien) : blog.editionsprecipitees.org


 

Cet entretien a été diffusé dans l'émission Entre Paroles et musique diffusée sur RCF Isère les 30 et 31 mars 2011. Entre Paroles et musique est réalisée par Maxime Barral-Baron et Vanessa Curton, sur RCF Isère. Elle est diffusée tous les mercredis 18h30 & tous les jeudis 11h30 sur le 103.7 FM pour Grenoble et son agglomération et 106.8 FM pour la Bièvre et la Côte St André. www.rcf.fr.

Pour l'écoute, le lien de l'émission sera disponible dans quelques jours. 

 

Zone littéraire 
www.vanessa-curton.fr
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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 23:47

 

Jean II le Bon, Séquelle
éd. Thierry Magnier, 2010 

Quatre ans après Jean Ier le Posthume, on retrouve les 3 fidèles copains, Arthur, Stan et Elsa. Ils ont désormais 15 ans. Le brevet les attend en fin d'année mais leurs préoccupations sont plutôt d’ordre créatif, faire de la musique pour Elsa, du cinéma pour Stan et écrire un roman pour Arthur. A travers eux, Fabrice Vigne nous interpellent sur le sens que peut avoir l’écriture d’une suite, et sur l’écriture elle-même.

  




« On écrit avec nos séquelles »

 

Automne 2010. Fabrice Vigne vient d’achever une lecture musicale en public de son roman Les Giètes*.
De la lecture à l’écriture, une voix. Celle de Fabrice Vigne est là, ronde et posée.On entend ce goût des mots et de les prononcer. Chaque syllabe est tenue, délectablement livrée, comme dans ses récits où il se plaît à jouer, souvent avec humour et dérision, avec le langage et les couches de sens.


"Fabrice Vigne, Jean II le Bon votre dernier roman chez Thierry Magnier est paru cet automne.
On retrouve les mêmes personnages que dans Jean Ier le Posthume. Stan, Elsa et Arthur ont-ils changé depuis 2006 ? Où en sont-ils ? 
 

Ce sont, en effet, les trois mêmes personnages. Dans Jean Ier le Posthume, ce sont des enfants et dans Jean II le Bon, ce sont des adolescents. Il y a quatre ou cinq ans entre les deux, ce qui correspond à l’intervalle entre l’écriture de deux romans. J’ai pas mal changé en ces quatre ou cinq ans, et eux aussi. Ce qui n’a pas changé, c’est que ce sont des livres à propos des livres. Ce sont des livres sur l’écriture.

 

Pourquoi avoir choisi des rois comme sujet d’écriture pour Arthur, Stan et Elsa ?
 

Par hasard. Le hasard a un rôle très important dans ces deux livres. C’est le hasard de l’inspiration. Ils veulent dans les deux cas écrire un roman sur des rois de France. Dans le premier, ils choisissent le roi le plus court de France : Jean Ier le Posthume en se disant, à tort, que c’est une histoire facile à raconter. A sa naissance, Jean Ier le Posthume était déjà roi puisque son père était déjà mort. Mais, il n’a duré que cinq jours. Alors ils se posent des questions sur l’hérédité de la fonction, et donc sur ce qu’ils doivent à leurs propres parents.

Dans le deuxième volet, dans Jean II le Bon, ils ont grandi. Ils sont adolescents et le mur de la puberté, qu’ils ont franchi allègrement, change la règle du jeu entre les filles et les garçons. Mais écrire les titille toujours, et toujours par hasard, ils se penchent sur le cas de Jean II le Bon. L'histoire se passe une génération après Jean Ier, au 14ème siècle, pendant la guerre de 100 ans contre les anglais. Ce Jean-là a eu un destin guerrier. Capturé lors de la bataille de Bouvines, il a fini ses jours dans une geôle en Angleterre. Et cette fois, mes trois apprentis écrivains vont réfléchir sur le choix que l’on fait de sa propre vie. Autant le premier était sur l’hérédité et sur, si j’ose dire, l’implacabilité des déterminismes sociaux, autant le deuxième est sur le libre arbitre, sur la vie que l’on s’invente soi-même. 


D’ailleurs, il y a la question de l’orientation dans ce livre Jean II le Bon qui est en parallèle à l’écriture de ce livre. L’orientation est vue comme une forme d’injustice... Vos personnages ressentent une certaine déception, une révolte entre ce qui leur est proposé et ce dont ils rêvent…
 

Oui, ils sont en troisième. On demande de plus en plus tôt aux adolescents d’avoir une idée de leur vie professionnelle. Il faut qu’ils aient un projet, qu’ils fassent un stage en entreprise, etc… et tout ceci, qui fait partie de leur vie quotidienne, parasite l’écriture de leur roman. Comme moi, ou comme n’importe qui, quand on est en train d’écrire un roman, on n’est pas dans une tour d’ivoire. On vit aussi avec ce qui nous entoure, avec nos préoccupations quotidiennes.


Comme dans Jean Ier le Posthume, dans Jean II le Bon, le rêve cadre le texte. Pourquoi ? Quel sens ça a ?
 

Je suis très attentif au rêve. J’adore ça. D’ailleurs, le récit de rêve est un genre littéraire à part entière. Maints grands écrivains ont écrit des recueils de rêves, Perec ou Michel Butor…et  d’autres. Moi-même, j’ai cédé à ce genre-là. J’ai publié un recueil de mes rêves qui s’appelle l’Echoppe enténébrée paru au Fond du tiroir*. Jean Ier le Posthume et Jean II le Bon commencent tous les deux par un récit de rêve. Des rêves qui surviennent à Arthur, mais qui en réalité me sont survenus à moi. Un rêve que je faisais quand j’étais enfant pour Jean Ier le Posthume, et un rêve que j’ai fait quand j’étais adolescent pour Jean II le Bon. Puisque ce sont des livres qui mettent en fiction le processus de création, je trouvais à la fois pertinent et drôle de montrer dés la première page une création spontanée alors que mon personnage se torture l’esprit pour savoir comment on construit une histoire. En réalité, on écrit des histoires dans sa tête toutes les nuits. L’activité onirique ressemble beaucoup à la création de fiction, sauf qu’on ne le fait pas exprès. C’est de la création spontanée, c’est de la poésie sans la moindre affectation. Mais dans le principe, c’est un peu la même chose. Dans un rêve comme dans un roman, on utilise des choses qui existent pour de vrai et on les mélange pour faire une histoire qui n’existe pas.


Jean II le Bon fait suite à Jean Ier le Posthume.
Pourquoi une suite ?
 

Jean Ier le Posthume posait la question " à quoi bon écrire un livre ?" Vaste débat ! Evidemment, Jean II le Bon pose comme question en filigrane "à quoi bon écrire une suite ?"

Quand on écrit une suite, on s’expose aux critiques : si il écrit la suite, c’est qu’il est à court d’inspiration, il est fini, il refait quelque chose qui a déjà marché, etc... Dans mon cas, j’ai écrit une suite parce que j’étais attaché à ces personnages. Je voulais les voir grandir. Faire la même chose en faisant quelque chose d’autre, c’est ça le principe d’une suite. C’est là que ça devient intéressant.

Le sous-titre de Jean Ier le Posthume,  c’était « roman historique » et là le sous-titre c’est « séquelle ». L’acception du mot séquelle la plus connue, c’est l’acception médicale. Ce qu’il reste de nos maladies passées, ce qu’on en garde. Mais aujourd’hui, dans le vocabulaire du cinéma américain, dans le vocabulaire d’Hollywood… « a sequel »  c’est une suite.

Ce livre Jean II le Bon, c’est à la fois « a sequel », la suite, mais c’est aussi une séquelle. L’une des idées de ce livre, c’est qu’on écrit parce qu’on a survécut. Ceux qui racontent, ce sont ceux qui sont encore là. On écrit avec nos séquelles. Pour moi, ce livre, c’est ma séquelle. 


A travers Arthur, Stan et Elsa, Jean II le Bon pose aussi cette question : pourquoi est-ce que l’on écrit ? Est-il possible de répondre à cette question ?
 

Comme souvent dans les bonnes questions la réponse est peut-être moins intéressante ! En tous cas, il faut la trouver soi-même. On écrit pour être aimé. Cette phrase apparaît en toutes lettres dans ce livre. Il faut néanmoins aller au bout d’un cheminement pour parvenir à cette révélation. On écrit pour être aimé parce qu’on écrit pour entrer en contact avec les autres. Et ces trois adolescents, même s’ils ont les préoccupations de leur âge et qu’on les enquiquine avec une conseillère d’orientation, ils ont des préoccupations créatrices. Ils veulent accomplir quelque chose de beau, un roman, et, par ailleurs, un film pour Stan, de la musique pour Elsa. Ils veulent comme tout le monde être aimés.

C’est d’ailleurs Elsa qui donne cette réponse, ce n’est pas Arthur…pourquoi ?
 

Parce qu’Arthur est beaucoup moins capable qu’elle de verbaliser les choses. C’est peut-être vrai d’une manière générale, les filles sont plus capables que les garçons de verbaliser et de mettre les points sur les i. Mais Arthur le reçoit, il l’entend. Il le comprend très bien.


Vous parlez, également, dans Jean II le Bon du caractère obsessionnel de l’écriture. Pouvez-vous nous l'expliquer ?
 

Oui oui, absolument. Je parlais du hasard tout à l’heure…quand on commence à écrire, il y a une part de hasard. Il y a une idée ou une émotion qui nous arrive dans un flash et qu’on veut coucher sur le papier. Mais une fois qu’on a commencé, une fois qu’on a fait le premier pas, ça devient obsessionnel parce qu’on se rend compte que cette idée-là, une fois qu’elle est sur le papier, en noir et blanc, et qu’elle nous regarde autant qu’on la regarde, elle va en entrainer une autre. Et une idée va entrainer une émotion. Et une émotion va entrainer une idée. Et le texte va gonfler comme une boule de neige. C’est comme ça qu’il devient obsessionnel, c’est-à-dire, tout nous ramène à lui. Tout ce qu’on peut éprouver par ailleurs va nous rappeler la petite lumière qu’on a allumée et qu’on va protéger comme on protège avec ses mains la flamme d'une bougie contre le vent. On y pense en permanence. Il y a certains de mes textes que je retravaille depuis des années. C’est de la maniaquerie, peut-être, mais il y a toujours quelque chose à amender sauf quand le livre est imprimé. Alors, on ne peut plus rien faire, j’évite de le lire, à ce moment-là.


Arthur, Stan, Elsa, trois caractères bien distincts. A quoi correspondent ces trois personnages, pour vous, finalement ?
 

Mes trois personnages sont autant de métaphores de conceptions de la littérature. Il ne s'agit pas de romans réalistes. Ce sont des comédies, des livres qui font rire…mais intellectuels parce qu’ils sont truffés de références et parce qu’il y a une mise en abîme du livre dans le livre. Je parle des raisons pour lesquelles on écrit des livres et des conceptions qu’on a de la littérature.

Elsa, la seule fille des trois, a une personnalité bien trempée pour ne pas se faire marcher sur les pieds par les deux garçons. Elle a une conception de la littérature très engagée, ancrée dans le réel. Si elle écrivait des livres, ce serait soit des autofictions soit des documentaires. Je l’imagine bien le poing levé, Elsa. Elle veut changer le monde parce qu’il est injuste. Et s’il y a des livres à écrire, c’est pour changer la société.

Stan, c’est tout le contraire. A quoi bon écrire des livres sur le monde ? Le monde, on est déjà dedans. Il a une conception des romans qui est de pure imagination. Lui, il veut écrire des histoires de fantômes, de sorciers, des histoires fantastiques. Il écrirait de la fantasy, comme on dit aujourd’hui.

Entre les deux, il y a le personnage d’Arthur qui est peut-être celui des trois qui me ressemble le plus. C’est celui qui a le moins d’a priori, de conviction. Lui, il écrit. Il saura pourquoi il écrit et ce qu’il a écrit, une fois qu’il aura terminé."


 




*Fabrice Vigne est l'auteur de nombreux livres dont TS (2003, l'Ampoule), Jean Ier le Posthume, roman historique (Thierry Magnier, 2006), Les Giètes (Thierry Magnier, 2007, Prix Rhône-Alpes de littérature jeunesse 2008), la Mêche illustrée par Philippe Coudray (Castells 2006, réédition Le Fond du Tiroir 2010) ou Dr Haricot, de la Faculté de Médecine de Paris (Pré#Carré, collection ‘Un pas à la fois’, 2011).

*Fabrice Vigne est également le Président Directeur Général à Parachute Doré de la maison d'éditions Le Fond du Tiroir (http://www.fonddutiroir.com/) où il a notamment publié L'Echoppe enténébrée, récits incontestables, ABC Mademoiselle dont les illustrations sont de Marilyne Mangione, ou un livre en kit J'ai inauguré Ikéa conçu avec l'ingéniosité de Patrick Villecourt. 

Ces propos de Fabrice Vigne ont été recueillis pour l'émission radiophonique Entre Paroles et musique réalisée par Maxime Barral-Baron et Vanessa Curton, sur RCF Isère. Elle est diffusée tous les mercredis 18h30 & tous les jeudis 11h30 sur le 103.7 FM pour Grenoble et son agglomération et 106.8 FM pour la Bièvre et la Côte St André.

Pour écouter l'émission cliquer ici : link

 

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