Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 09:36

 

montedidio"Il dit que tous les yeux ont besoin de larmes pour y voir, sinon ils deviennent comme ceux des poissons qui ne voient rien hors de l'eau et se dessèchent, aveugles." p. 46

 

"Au lieu de chanter, de souffler, j'aspire par le nez un peu d'air de la mer et du vent. Le cri des olives se rapproche.

Je pense à mon père qui est dans les soutes et lui aussi a sans doute bien envie de sortir à l'air. Il le mérite plus que moi qui en suis à ma toute première mélancolie." p. 77

 

"Maria sait beaucoup de choses, elle sait par exemple qu'elle est plus forte qu'un adulte. Moi, ils m'intimident, elle non, elle peut même les attaquer. C'est peut-être parce qu'elle est une femme et qu'elle a connu le dégoût." p.92

 

"Nous, dit mast'Errico, déjà que nous sommes vivants par erreur et que nous existons en cachette de Dieu, il ne nous manque plus que l'oeil qui regarde de travers, qui sèche d'envie et nous sommes ruinés." p. 105

 

"Quand tu es pris de nostalgie, ce n'est pas un manque, c'est une présence, c'est une visite, des personnes, des pays arrivent de loin et te tiennent un peu compagnie." p. 150

 

Montedidio
Erri De Luca

Ed. Gallimard, 2001

Partager cet article
Repost0
30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 11:01

000136228.jpgRares sont les recueils d’une telle consistance qu’on les repose pour s’alléger de l’émotion qu’il nous procure.

Dans ce Mouvement par la fin, le beau est pétri par la douleur, le désir est entre les voiles mouvants de la mort. Souffle ou portrait d’une existence prisonnière de la maladie des os de verre… Les phrases de Philippe Rahmy sont autant d’éclats de conscience que de respirations autour du cri, la souffrance. La langue poétique est une lame de couteau, affutée, sur laquelle brille l’étincelle vive et maligne de la vie.

La douleur fait éclore la lumière. Avec l’écriture, l’élan vers l’autre tente de fraterniser malgré la solitude. La liberté se meut dans la parole et devient ce corps livre d’une magnifique intensité. 

 

Quelques extraits : 

"Aucune douleur ne se compare à la douleur de naître."

"Il y a dans la mort une danse légère qui se prolonge longtemps après la fin du jour. Elle est faite des éclats successifs du silence dont chaque vie s'imprègne en épuisant sa souffrance. 
(...)
J'aime le mal pour ce qu'il m'ôte d'irréalité. Le mal est toujours vrai, la régularité avec laquelle il frappe disperse l'incertitude de chaque jour."

"La douleur est infiniment plus dure que le désespoir. Elle ne se partage pas avec la peur. Elle ne brûle que du désir de vivre."

"La lumière est comme la chair, matière de la pensée : dans sa peur de disparaître elle s'affirme vivante. Il n'est de mauvaise heure pour qui a perdu l'angoisse de penser sa mort et le désir de raconter son rêve."

"Mon existence est un mouvement par la fin ; je donne mon assentiment au démantèlement, le mien, qui va l'amble avec celui d'autrui et souvent plus vite que celui des choses."

"La douleur est un amour qui me rapproche vivant de l'éternité."

 

Mouvement par la fin
Un portrait de la douleur
 
De Philippe Rahmy
Postface de Jacques Dupin
Cheyne éditeur, 2005  

Cette ouvrage a été découvert grâce aux conseils de Sylvain F. libraire de La Voix au chapitre, librairie située au numéro 4 de la rue Saint-Jérôme à Lyon : http://lavoieauxchapitres.wordpress.com/

 

Partager cet article
Repost0
13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 18:52

9782742765348FS"Les débusquer, les retourner du dedans vers le dehors, leur faire la peau..."

En entrant dans ce roman, nous sortons du réel pour entrer dans les strates de l'écriture. Le narrateur, Raphaël, se retrouve face à son "ex-psychiatre" pour retracer l'histoire qui précède son inculpation et le drame funeste autour de la figure de Anne. Cette histoire se tisse autour de deux jumeaux, Camille et Léo, avec qui il a grandi, lié à eux presque malgré lui, depuis l'âge de 9 ans, partageant leurs jeux, l'espace familale et une certaine mythologie commune...consignée dans un cahier qui leur est propre. 

Avec poésie et acuité, Pierrette Fleutiaux construit la réalité d'un roman aux ambiances étranges et ambiguës, où les créatures romanesques captivent par leurs forces. Des forces qui sont parfois monstrueuses autant que peut l'être une part de l'enfance et la toute puissance qu'elle recèle. Recherche de l'alter ego ou variation sur le thème du double, l'amitié trace une colonne vertébrale, comme l'amour et ses multiples facettes. Un labyrinthe se dessine où le narrateur cherche sa stature d'adulte, et prépare une naissance. Celle d'un "je", et celle du roman lui-même. 

 

Quelques extraits : 

"(...) j'ai peur de laisser s'échapper les choses, que le monde change ou passe ailleurs tandis que je lâche l'air usé de mes poumons et reprends l'air neuf du dehors. 
Cela fait du bruit la respiration, on l'entend à l'intérieur de soi et, pendant ce temps, on n'entend plus ce qui se passe au-dehors. et avec l'écriture c'est la même chose, j'attache tout ensemble pour ne rien lâcher, parce que si je pose un point, je pose aussi la fin d'une phrase et, entre la fin d'une phrase et le début d'une autre, il y a un trou, une solution de continuité, qui peut-être un abîme."  


" J'ai reconnu aussitôt cette chose en elle, qui n'était pas du désespoir, juste une infinie légereté de son être. 
(...)
Anne tout entière ne tenait pas au sol, aux gens, le monde était  en glissade perpétuelle autour d'elle. 
Je n'aurais pas dû montrer que je la comprenais, rien ne pouvait être plus dangereux pour elle."

 

"Camille et Léo étaient des béliers à leur façon, Anne c'était un papillon, aucun de nous ne savait comment il fallait toucher les papillons." 

 

Les Amants imparfaits
De Pierrette Fleutiaux
Editions Actes Sud, 2005
Babel, 2007  

 


Partager cet article
Repost0
8 octobre 2013 2 08 /10 /octobre /2013 10:34

Déambulations urbaines
De Calvi & de Bonifacio - octobre 2013

Evidemment la Corse, c’est la beauté au naturel. Le grandiose des falaises, la diversité des paysages, la mer à perte de vue, l’écume qui scintille devant les ports et les calanches magnifiques. Mais comme l’écrivait Nicolas Bouvier dans L’Usage du monde : « On voyage pour que les choses surviennent et changent ; sans quoi on resterait chez soi ». 

C’est effectivement par ce désir gourmand que l’on bloque le smartphone sur le mode photographie. On avance dans les villes, on regarde, on s’attache autant aux détails qu’au chat qui traverse la rue et se précipite entre les rochers en bordure de plage. Et comme souvent dans cette zone, c’est la littérature qui capte l’œil et rend fécond ce qui le traverse ensuite.

 


 

20130930 120620-copie-1Le Street art,
un activisme social et poétique ? 
 

Tout a commencé à Calvi. A l’angle d’une rue, sans s’y attendre : tout est devenu dada avec une phrase peinte au pochoir, sans doute dans l’urgence.
L’acte interpelle, autant que le terme et le mouvement artistique et littéraire en passe d’être oublié par le grand public. 
L’artiste inconnu réactive peut-être malgré lui la poétique de ces précurseurs du début du 20ème siècle. On ne saura pas si son intention est de rendre compte de l’absurdité du monde ou de revendiquer que tout peut être création. 

 

1373513 10151652372997314 484555566 nOn s'interroge également quelques pas plus loin à la rencontre de cette représentation de l’enfant soldat découverte sur une façade jaune aux corrections blanchâtres. On peut y voir l’innocence dévoyée, l’humain devenu objet, devenu arme, la nécessité de survie… 
A l’angle d’une ruelle, il est signé Mona Lisa, mais est-ce bien une signature ? Et de quelle main est cette encre rouge ? Est-ce la même qui a dessiné l’enfant et qui fait malignement rimer une « vie dure », avec le mot « ordures » du panneau signalétique ? Deux presqu’alexandrins…un presque tag qui nous rappelle que l’art urbain est avant tout une expression libre, spontanée et pulsionnelle, quitte à plonger dans l’inconvenant. A superposer les couches de peinture – et de sens. A méditer.


 

1305489 10151659405127314 1028278640 nDu côté de Bonifacio, la déambulation se poursuit, toujours à ciel ouvert.
En montant vers la citadelle, on scrute les façades. Et sur le flan du bastion de l’étendard (bâti au 13ème siècle par les Génois qui gouvernaient l’île) s’élèvent les deux regards officiels qui surplombent la ville : celui de la femme et celui de l’enfant. 
 

L’œil maquillé de ce dernier fera écho plus tard à celui qui cache sa figure entre ses jambes et qu l'on découvrira tout à fait par chance de l’autre côté de la ville Haute… 

20131005 105912On en reconnaît la technique. Mais, est-ce une tristesse ou une peur qui est représentée sur les marches devant la porte de l’espoir encore close ? Est-ce l’esseulement ou plutôt l’affirmation de l’art, d’un art en tant qu’art ? Est-ce l’expression d’une démarche artistique qui attend patiemment d’entrer, peut-être enfin, dans le patrimoine de la ville si bien protégée ?

Ou est-ce l’inverse : l’auto-dérision d’un art éphémère qui appartient à la rue et qui s’ennuie à l’idée de faire « art » en étant exposé à la vue de tous comme un vulgaire objet mercantile dans la vitrine gigantesque d’un centre commerciale ? Centre commerciale pour touristes où l’on consomme le patrimoine jusqu’à en ébranler l’authenticité au profit, à priori, de l’exploiter et de le valoriser ? …la question demeure, à l’œil de recevoir ce qu’il désire.

 



1374384 10151658845372314 679117845 n« Tout commence avec le graffiti »

On ne s’attarde pas. On avance en direction du vieux cimetière marin au bord de la falaise. On passe, pour cela, devant les escaliers du roi d’Aragon et leurs 187 marches qui auraient été construites en une seule nuit. On évite de payer deux euros cinquante pour les descendre et les remonter….mauvais touriste !

C’est à un autre escalier, plus court, moins entretenu que l’on grimpe….et l’on se souvient de cette phrase flambeau du street art : « Tout commence avec le graffiti ».


20131004 180458Nous sommes à deux pas d’un collège et sur les murs jaunes sont gravés des centaines de lettres, des prénoms sûrement, des témoignages d’un émoi, d’une revendication et peut-être des injures…difficile de distinguer, juste savoir : il y a messages. Autant d’expressions creusées dans le mur, des paroles, des images….restées résistantes à travers le temps et les tempêtes.

Par contre, celles qui n’ont pas résisté, ou qui résistent encore mais à peine, sont désormais juste en face de nous.

Des anciennes bâtisses occupées par la légion étrangère forment une vaste zone désaffectée, une sorte de no man’s land, où les casernements sont laissés sans vie. Sans vie, ou presque, puisque d’un côté un panneau indique encore sur le portail et le grillage qui les encercle des horaires d’ouverture, faisant un pied de nez au signalement « Zone dangereuse », glissé un peu loin.

 


 

20131004 165414Reza,
un témoin humaniste

Au grand hasard de ces déambulations, on découvre sur la façade de l’un des bâtiments une sélection de clichés du reporter journaliste et photographe Reza Deghati. « Fenêtres de l’âme », il s’agit d’une exposition de portraits divisée en trois actes, entre Bastia, Corté et Bonifacio.
 

20131004 165613D’origine iranienne, Reza est de ces militants majeurs, reconnus autant pour leur implication politique que pour leur action humanitaire. Il a traversé les conflits, s’est battu contre le Shah en Afghanistan, emprisonné à 22 ans et torturé. En exil ensuite, il témoigne par ses photographies du fracas du monde en guerre, et de ses ravages. Il a reçu de nombreuses et prestigieuses récompenses pour l’ensemble de son oeuvre dont le Lucie Award. Mais chut ! on oublie.


Nul besoin de connaître ces éléments biographiques pour observer tous les visages accrochés aux fenêtres de cette longue façade grise et décrépie. Ces visages portent en eux-mêmes le poids de leur histoire. Mais face à l’objectif, c’est le plaisir de l’instant qui apparaît avec l’énigme de leur présence sur ce mur. Leurs regards s’illuminent de sourires étranges…timides, discrets… Joyeux et légers pour certains, insondables et troublants pour d’autres. Ils sont de tous les âges. Comme autant de symboles de la persistance de ce qui est notre humanité, malgré les conflits, la violence, le chao et la misère. Constance et espérance se conjuguent dans ces regards qui nous regardent aussi un peu. Leur force est sans nul doute décuplée par ce lieu en plein air, loin des espaces habituels et clos des expositions qui peuvent impressionner le spectateur non accoutumé. Une certaine familiarité se dessine, avec l’humilité distillée mais sans équivoque du photographe.
 

20131004 165443-copie-1 20131004 165530-copie-1 20131004 165509-copie-1 1374574 10151659404637314 655731287 n


Pour plus d’information, on ira sur le site internet www.rezaphoto.org.

Et pour conclure, cette phrase d’une artiste new yorkaise trouve tout son sens :
« Dans l’acte de regarder, il entre beaucoup de dévouement, d’amour, d’humilité et de patience. » Svvoon.

 


 

Du Nord à la pointe Sud de l’île, les rues auront été le théâtre matriciel d’une multitude de démarches créatrices. Plus ou moins officielles, plus ou moins entendues comme étant des oeuvres artistiques.

L’œil de la technophile aura, quoi qu’il en soit, été éveillé par la vigueur de chacun de ces actes de communication. Chacun, vu comme un acte esthétique et revendicateur d’une existence, d’une manifestation de l’homme dans le monde. Sur ces murs, il y a eu la volonté de les dépasser. La volonté de faire passer un message, par dessus, et de rendre possible sa réception. Et ceci mieux qu’une bouteille à la mer, de toute évidence. VC 

 



Partager cet article
Repost0
18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 09:51

9782757836132.jpgTraduit par Jean-Dominique Brierre et Jacques Vassal

Paru au Cherche midi en 2008 pour la traduction française.

 

Extraits :

 

La Plage à Kamini 

"Les voiliers
l'eau argentée
les cristaux de sel
sur ses cils
Le monde entier
soudain et étincelant
l'instant avant que Di-u
ne t'ait retourné vers le dedans" 

 

Séparé

"Je faisais quelque chose
je ne me rappelle pas quoi
Je me tenais en un lieu
je ne me rappelle pas où
J'attendais quelqu'un
mais qui ? Je ne me rappelle pas
Etait-ce avant ou était-ce après ?
Je ne me rappelle pas quand
Et soudain ou peu à peu
on m'a déplacé, on m'a emmené
à ce lieu d'inversion
et l'on m'a séparé
et à la place de chaque morceau
était le nom de la peur
et en guise de vaste mémorial
était le nom du chagrin
Si vous connaissez la prière
pour celui qu'on a tant disloqué
je vous prie dites-la ou chantez-la
et s'il est parmi les mots
un espace vide, ou parmi les lettres  
un verger du retour
je vous prie d'y fixer fermement mon nom
d'une voix ou d'une main
que vous êtes seuls à commander
vous les justes
qui vous souciez de tels sujets
Mais je vous en prie faites vite
car tous ces morceaux de moi-même
qui se sont rassemblés le temps de cet appel
sont de nouveau dispersés
et éparpillés de l'Autre Côté
là où les anges se tiennent tête en bas
où tout est recouvert de poussière
où chacun se consume de honte
et où nul n'a le droit de pousser un cri."

 

Roshi à 89 ans

"Roshi est très fatigué,
il est allongé sur son lit
Il a été vivant avec les vivants
et mourant avec les morts
Mais voilà qu'il veut boire encore un verre
(les merveilles ne cesseront-elles jamais?)
Il fait la guerre à la guerre
et fait la guerre à la paix
Il est assis dans la salle du trône
posé sur sa grande Figure des Origines
et il fait la guerre au Néant
qui est habité par Quelque Chose
Ses intestins se réjouissent
les pruneaux marchent bien 
Il n'y a personne qui aille au Paradis
ni personne oublié en Enfer"

 

 

Partager cet article
Repost0
8 septembre 2013 7 08 /09 /septembre /2013 19:36

apres-amour-1395847-616x0-copie-1.jpgAprès l'amour s'amorce au moment où la narratrice se sépare de sa compagne, Paola, après une relation de dix ans.

Laissée à sa solitude, c'est la violence de l'achèvement, la crudité du vide et l'angoisse. La quête de l'autre par les traces, les souvenirs, et des rencontres plus ou moins fugaces et brèves. Entre les peaux, les bouches, les langues...le désir éclot dans l'absence.

L'écriture est féminine, ferme et juste. Mesurée, rapide, belle. Nue. Et l'érotisme des scènes imprègne le roman d'une sensualité élégante et sans tricherie, qui interpèle ce qui est Vivant en soi. Ce qui est vrai dans nos corps et dans nos relations, ici & maintenant...

 

Quelques extraits : 

"L'identité d'emprunt est celle que l'on rêve et construit, depuis l'enfance. Personne ne peut nous ôter notre terre de naissance. Colère des mères sans terre. Mères dont la mémoire, violente, brutale, est entâchée de douleurs collectives. Le sang des miens est répandu sur le sol rouge de la terre battue. Le sang colore les rizières et altère les visions sucrées de cocotiers. Mais il est aussi un autre exil, figuré. Un exil intérieur, celui de la solitude, de l'amour non heureux. On passe parfois sa vie à rechercher ses traces. Mais on se perd dans un château de miroirs, un palais d'images qui sont autant de terres blessées. Ma mère est une héroïne de fiction. Elle a fui. Elle a demandé l'asile politique et quitté le pays où je suis née, une terre qui a ouvert des camps de réfugiés comme on ouvre des charniers. (...)" p. 74 


"Je dispose de trop peu d'informations pour expliquer ma généalogie. A vingt ans, j'ose défaire un tabou ; je veux savoir qui est mon père.
A force de ma taire, j'ai créé une langue coupable qui affecte l'enfance. (...)
" p. 78
 


"(...) dans six printemps, j'aurai quarante ans. Je dois avancer, refaire ma vie, oublier. Les conquêtes, les nuits d'amour, la fuite ne font pas le poids devant la mélancolie. 

Je ne connais pas le dosage exact contre l'excés et le défaut d'amour." p. 87 


" Pendant l'actes, tu t'égares, tu m'assènes des coups et j'en redemande. Où as-tu appris ces gestes, d'où vient ce nuage de tendresse et de violence ? Tu voles les heures au quotidien. Tu fais des heures sexuelles un temps plein. Mais ce temps ne remplace pas le vide grandiose qui m'encercle et m'éloigne de toi." p. 95
 


"Tes étreintes me rappellent à l'existence. Je me sens vivante. Tu me chavires. Tu me fais souffrir. Cette nuit-là, tu me dis le vrai, c'est le corps. Alors, je tâche d'éprouver ta chair. (...)" p. 95. 

 

Après l'amour
Roman d'Agnès Vannouvong

Aux éditions Mercure de France,
Rentrée littéraire 2013  

Partager cet article
Repost0
1 septembre 2013 7 01 /09 /septembre /2013 21:17

images-copie-21.jpegLes mots de Jeannes Benameur ont souvent cette force de nous happer par leur intensité et leur énergie. Cette énergie s'inspire d'un souffle, d'un désir de liberté, semble t-il, que ce dernier roman, paru chez Thierry Magnier, illustre pleinement.

Ce roman classé jeunesse s'installe dans les années 70, avec la prise de parole d'une jeune femme étudiante en Fac de lettres...le jour de sa première nuit d'amour avec Alain. A la découverte de son corps qui s'anime avec les baisers d'un autre, elle se rencontre elle-même...

Leur histoire l'entraine dans la lutte politique. Elle découvre Hannah Arendt, Virginia Woolf, et sa féminité se libère avec l'élan du militantisme. Roman intime, poétique, frémissant où les mots sont des armes et des caresses. Prise de parole, prise de position dans le monde, et contre la tyrannie domestique de son père, incarnation de soi dans l'action et dans le dire...

En voici quelques extraits :

"Il n'y a que quand je travaille que je me sens protégée. Dans les livres j'oublie. Dans les livres, je respire. Il n'y a plus rien qui me menace à l'intérieur, je suis vraiment moi-même.
Dans les bras d'Alain je respire aussi. Un autre air. Son air à lui. Si je pouvais entrer dans sa bouche et me perdre dans son souffle."

"A l'intérieur de moi, il y a un volcan au fond d'un lac noir. 
Tout est noyé.  
La seule chose que je sens clairement, c'est la rage au-dessus du volcan."

"Je suis loin, très loin du monde fermé de là où j'ai grandi. Ma pensée s'ouvre. (...) je sens que quelque chose de ma propre pensée, balbutiante, se réveille, cherche. Je découvre cette nuit-là que le monde, on a le droit de le réfléchir, le droit et même le devoir de désirer qu'il soit plus juste, plus humain."

"Et depuis toute petite j'étais en lutte. Pour me préserver. Le monde m'ouvrait une porte pour déployer ma lutte plus largement. Je me suis sentie plus forte de savoir que des gens avaient eu le courage de dire non à des oppresseurs bien plus terribles que mon propre père. J'ai vu que c'était ça qui avait manqué dans ma famille : le courage de la vérité. Jamais je ne lâcherai cette quête-là. La vérité il faudra bien un jour que je la connaisse tout entière. Et tant pis si c'est terrible ! tout vaut mieux que le silence sur le silence et la soumission dans l'ignorance des choses à moitié sues et tues." 

"La tyrannie, c'est ne pas faire exister l'autre. (...)" 

...

Pas assez pour faire femme
De Jeanne Benameur

Editions Thierry Magnier, août 2013 

 

Partager cet article
Repost0
10 août 2013 6 10 /08 /août /2013 08:58

livre-a-voix-basse-copie-1.jpgA tous ceux qui s'atèlent chaque jour à développer leur espace intérieur, à sonder l'abrupt en allant vers la lumière.

A l'émotion de partager cette Voie parfois avec quelques uns, poètes, écrivains, musiciens, photographes, peintres, amis et inconnus. 

...un recueil qui m'accompagne depuis des années, malgré son absence dans ma bibliothèque. Un livre enfin retrouvé dont voici quelques fragments : 

 

"dévalent les eaux
abondantes
écumeuses

et cette force de vie
qu'affirment
ces deux peupliers
dressés sur le ciel

toutes amarres rompues
partir partir 

cet éclat rouge
qui a fusé

là-bas
ces formes incertaines" 

 

"ce gouffre
dans tes yeux

mais tes lèvres
et leur avidité

juqu'à cette zone
ténébreuse
où la vie
d'être menacée
se charge soudain
d'une tension
qui fait haleter
ma soif"

 

"les mains les lèvres
parcourues par un même sang

et le coutre en hâte
dans la béante
nuit maternelle

et les hautes et les puissantes
lames qui se lèvent
mugissent précipitent
leur cadence grondent
frappent se font
furieuses

puis une mer étale

et l'ineffable paix
dans le ruissellement
de la source"

 

"quand l'errance
a pris fin
la vision du coeur
a imposé silence
à l'intellect"

 

"que de luttes de défaites
que d'errances dans la forêt intérieure
à partir du jour
où le regard s'inverse"

 

"ne crains pas la solitude
elle te fait don
de la rencontre avec toi-même
là où boire goulûment à la source"

 

"douceur
et tiedeur
de l'intime

un instant
décroché
du temps

replié en son origine
réduit à son essence
l'être au repos s'abandonne

et la source
apaise
la soif" 

 

A voix basse
de Charles Juliet

POL, 1996 

Partager cet article
Repost0
8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 14:48


images-1-copie-11.jpegCertaines lectures nous emportent et nous ramènent. Des écritures qui sont des souffles gorgés de tout ce qui fait matière. Les combats, les doutes, les douleurs, les désirs, l’espérance et l’amour de vivre. Cette quête de clarté, d’espaces libres, d’un infini vertical…

J’ai ouvert Patagonie intérieure comme aspirée par ce voyage vers le Chili, et pressentant que j’allais y trouver une manifestation de ce qui fait l’intensité d’un cheminement vers l’Être. 

En plongeant dans La Clôture des merveilles, cette même aspiration m’a happée dés les premières phrases. Ce roman me semble être moins un roman biographique d’Hildegarde de Bingen, moniale du 12ème siècle, que l’expression de luttes et d'une quête, d’une ferveur dont l’écriture est le support, et le personnage : le témoin & le symbole…

 


 

images-2-copie-7.jpegEn voici quelques extraits :

« Oui, la vie porte l’absolu et il revient à l’homme de l’incarner ici, qui ne l’atteindra jamais.

Oui, la beauté, la poésie, l’amour, l’éros, la joie, la subversion, l’autonomie, l’indépendance sont des valeurs contemporaines qu’il reste à défendre.

Oui, le but de l’homme est l’amour, toujours plus d’amour.

Oui, n’en déplaise aux marchands, aux esthètes, aux cyniques, aux épargnants, aux religieux et aux athées, la vie se conjugue dans la dépense, le don, l’ouverture, l’acceptation, la perte.

Oui, la conscience est notre bien le plus précieux, et l’énergie notre source vitale.

(…) » p. 12 /13

 

« Il est une terre inconnue, loin à l’intérieur des hommes, où dans la matrice du silence le verbe met bas. Quête organique que celle de cette langue accouchée des origines, qu’ils sont si peu nombreux à s’en aller chercher. Ceux qui l’osent ont appris que l’écriture est habitée de sexualité comme le ventre, et qu’il faut s’y enfoncer avec la même ardeur que les consonnes masculines fouaillent la béance des voyelles dans la phrase. C’est au prix de cette conscience-là, et de l’enjeu qu’elle représente, que l’esprit circule entre les lettres et porte le souffle.

Les poètes le savent, les prophètes et les saints : que les mots sont aussi sexuels que le corps des femmes, et que le souffle les féconde s’ils se laissent épouser. Car c’est par eux que Dieu cherche l’homme. Et parfois le trouve. »
p. 105

 

..................

 

La Clôture des merveilles
Et
Patagonie intérieure
A écouter en podcast sur France Culture, les Carnets de Patagonie : http://www.franceculture.fr/tags/patagonie)

De Lorette Nobécourt
Editions Grasset, 2013

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 août 2013 5 02 /08 /août /2013 09:25

9782070407392.jpg"Tu es pressé d'écrire, 

Comme si tu étais en retard sur la vie.

S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.

Hâte-toi.

Hâte-toi de transmettre

Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.

Effectivement tu es en retard sur la vie,

La vie inexprimable,

La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir,

Celle qui t’es refusée chaque jour par les êtres et par les choses,

Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés

Au bout de combats sans merci.

Hors d’elle, tout n’est qu’agonie soumise, fin grossière.

Si tu rencontres la mort durant ton labeur,

Reçois-la comme la nuque e sueur trouve bon le mouchoir aride

En t’inclinant.

Si tu veux rire,

Offre ta soumission,

Jamais tes armes.

Tu as été créé pour des moments peu communs.

Modifie-toi, disparais sans regret

Au gré de la rigueur suave.

Quartier suivant quartier la liquidation du monde poursuit

Sans interruption,

Sans égarement.

 

Essaime la poussière

Nul ne décèlera votre union."

 
Partager cet article
Repost0

Accueil

  • : Zone littéraire de Vanessa Curton
  • : Ce blog pour mettre en lumière les auteurs d'aujourd'hui, leurs écritures, leurs voix, leurs livres et plus si affinités
  • Contact

Retrouvez-moi sur :

 

Paperblog

Archives